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On pourrait presque dire, que le personnage principal de cet espèce de recueil de nouvelles, est une montre. Je dis «espèce de recueil de nouvelles », parce que que ce n’est pas exactement ça, chaque histoire relie un personnage à un autre, dans un flou temporel, vous plongeant dans un questionnement inhabituel et c’est au fond l’atout majeur de ce roman. A savoir que l’on rentre illico dans les rouages d’une pensée, virtuose, tortueuse et complexe, celle de Nina Allan.

Le protagoniste principal, Martin Newland, traverse le temps, au fil de six nouvelles toutes aussi convaincantes les unes que les autres. Nina Allan construit, pour déconstruire. On en finit par se laisser prendre au jeu de son intemporalité, on oscille entre l’irréelle déconstruction du temps, et la très réelle et réaliste atmosphère anglaise dont l’écrivain nous entoure. Quelque chose de gris, brumeux, envoûtant et intelligent, où l’émotion est à fleur de peau. Une sorte de pudeur (à mon sens très anglaise justement) émotionnelle, si bien maitrisée qu’au final tout est dit, invoqué, sous-entendu, pour finalement être d’une limpidité qui vous prend au cœur. On se dit même que si l’horlogerie, la montre, et le Temps, en particulier sont au centre de ce livre, c’est qu’en fait Nina Allan aurait certainement pu se plier aux exigences de minuties du métier d’horloger, parce qu’elle est littéralement, implacable. Elle déploie le rythme et la magie de ces histoires, nous perd en deux temps trois mouvements, entre frisson, récit fantastique et fiction.

L’application avec laquelle sont dépeints les différents personnages et leurs relations ne fait qu’ajouter à la petite perle qu’est cette première traduction française d’une Nina Allan déjà bien installée dans le paysage littéraire outre-manche. La simplicité avec laquelle elle nous invite dans ces histoires, parfois du domaine de la science-fiction (Martin remontant le temps où discutant avec son frère mort avant sa naissance) ou de l’utopie sociale à l’échec cuisant est donc bien loin du titre de l’ouvrage. Aucune complication à l’horizon, au sens premier du terme, qui désigne en horlogerie toutes les informations «secondaires » que peut révéler une montre, ou une horloge, pression atmosphérique, date, etc. Et ce sens du terme s’approche nettement plus de l’écriture de Nina Allan, qui fourmille d’une précision qui donne une dimension toute particulière à ses multiples récits, sans pourtant jamais verser dans l’accumulation descriptive ratée.

Tout est à sa place. Tous à un sens, et pour cause, parce qu’on peut facilement envisager qu’elle soit férue des questionnements les plus existentiels, en filigrane tout au long de ces histoires. Une vraie bonne idée qu’a donc eu Tristram en faisant entrer Nina Allan en VF dans la multitude de cette rentrée littéraire 2013. Avec son ambiance fantasmagorique les récits emboitables, des Complications, sont pile ce qu’il vous faut pour rentrer dans l’automne.
elmatador
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le 23 sept. 2013

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