L'écriture de Bukowski est d'une éclatante noirceur. C'est absurde, désespéré, rythmé, génial et à vomir. Chaque page est comme un miroir qui renverrait habilement ce qu'il y a de pire au monde. C'est que la laideur, cela peut être blessant, dérangeant à regarder en face, or Bukowski ne se prive pas de nous en envoyer des pelletées en pleine figure. Il digère la morale, le consensuel et nous rend le tout sur papier dans un flot de bile. C'est éprouvant si on n'a pas l'âme bien accrochée. Voyez le personnage de Bukowski : il est pétri de misogynie, il est abject, repoussant. Non, rectification : ils sont tous abjects et/ou d'une stupidité crasse.

Mais l'écrivain ("lequel ?" me suis-je demandée agacée tout le long de ma lecture) arrive trop bien à transformer la pire des horreurs en joyau.

Voilà ce qui est terrible et fantastique là-dedans. Sans me forcer, j'ai trouvé une certaine grâce dans la connerie des personnages. Et Bukowski, avec son relativisme à deux balles trente et sa misanthropie hissée en étendard en devient presque attendrissant et fascinant. On voit un homme intelligent se rouler désespérément mais délibérément dans le stupre et on y prend aussi un peu notre pied. On comprend que les idéaux, c'est pas facile à porter et que c'est mille fois plus drôle de faire n'importe quoi, n'importe comment et après tout, la vie n'a pas de sens, blablabla, à quoi bon se fatiguer pour remplir le vide, blablabla. Il y a quelque chose qui relève sûrement du sadisme et du côté bête de foire dans la façon dont j'ai lu ce livre. "Ce qui est monstrueux n'est pas en moi, il est dans ce bouquin". Ca fait du bien de se sentir ainsi faussement épargné par ce qui pourrait être vu comme de la médiocrité en même temps que ça met en rage de s'y voir confronté sous la plume d'un mec qu'on aime à considérer comme un vrai loser.

Bref, c'est effarant de constater comme il peut rendre le dépit et le sentiment de perdition savoureux. Et c'est ce qui fait qu'on peut adorer ou détester ce livre comme on peut l'apprécier ou ne pas l'aimer à des degrés variés.

Bien joué, Bukowski, BINGO-JACKPOT-GROS LOT, tu es ou joues bien le brillant connard et ne laisse pas indifférent.
Pomelo
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Créée

le 11 août 2013

Modifiée

le 11 août 2013

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Pomelo

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