Un voyage au cœur des symboles

Joël Gregogna nous offre avec Corto l’initié une somme impressionnante, érudite, presque labyrinthique, consacrée à l’univers occulte et symbolique de Corto Maltese. Ce n’est pas un simple ouvrage sur l’œuvre d’Hugo Pratt, mais une véritable plongée dans l’âme ésotérique de son personnage. Gregogna ne s’arrête pas aux aventures du marin romantique et solitaire ; il fouille, décrypte, interroge, révélant l’incroyable richesse d’un monde peuplé de symboles oubliés, de traditions secrètes et de références savantes allant de la kabbale aux mythes antiques.

L’auteur adopte la posture du passeur : il n’explique pas tout, il suggère. Il montre les portes, sans jamais prétendre savoir ce qu’il y a derrière. Ce parti pris rend l’ouvrage à la fois fascinant et exigeant. Car pour suivre cette exploration des arcanes prattiens, mieux vaut être armé d’une solide culture ou, à tout le moins, d’une grande curiosité intellectuelle. À travers Corto, c’est une quête de sens que propose Gregogna, une invitation à relire le monde avec des yeux d’initié.

Je l’avoue : à ma première tentative, j’ai reposé le livre, déroutée par la densité du propos. Mais j’y suis revenue, intriguée, attirée malgré moi par cette promesse d’un voyage intérieur. J’ai compris qu’il ne fallait pas tout saisir, mais accepter de se laisser conduire, d’un papillon de Murano à un masque de Janus, d’un clin d’œil à Dante à une allusion au Livre d’Hénoch.

Ce livre ne se lit pas comme un guide, mais comme un grimoire — mystérieux, parfois aride, mais porteur d’éclats lumineux. Alors oui, Corto l’initié n’est pas pour tout le monde. Certains abandonneront en cours de route. D’autres, rares sans doute, y trouveront une lecture transformatrice. Ce n’est pas un essai pour comprendre Corto, mais pour s’en approcher, dans le respect de son mystère. Une lecture déroutante, mais indispensable à qui veut franchir les portes ouvertes par le marin aux mille visages.

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