Nouvelle-Orléans, 1907, le jazz est en train de naître dans le quartier chaud de Storyville. C’est aussi là qu’un tueur s’en prend aux prostituées en abandonnant derrière lui, après chaque meurtre, une rose noire. Valentin Saint-Cyr, détective créole au service de Tom Anderson, le « roi de Storyville », est chargé par son patron d’enquêter sur ces meurtres qui risquent de finir par nuire au commerce. Sauf que, très vite, les soupçons pèsent sur Buddy Bolden, musicien surdoué, provocateur et miné par l’alcool et l’opium, et ami d’enfance de Valentin. Alors Bolden est-il juste un suspect idéal, ou est-il ce mystérieux tueur ?

Premier volume des enquêtes de Valentin Saint-Cyr, Courir après le diable est d’abord un beau roman, extrêmement bien documenté sur la Nouvelle-Orléans du début du vingtième siècle et sur la naissance du jazz. On y découvre avec intérêt cette ville atypique des États-Unis, les tensions raciales mais aussi les ponts qui y existent entre les communautés, l’atmosphère aux limites de la folie de Storyville, la pesanteur du climat tropical… David Fulmer se fend même, à l’occasion de pages magnifiques, de véritables moments de grâce, comme cette scène de transe qui suit des obsèques on ne peut plus solennelles.

C’est avant tout pour cette ambiance si bien rendue que l’on ne lâche pas le roman de Fulmer. Car, en effet, l’enquête menée par Saint-Cyr apparaît très vite comme assez peu palpitante. Même le détective semble d’ailleurs assez peu s’y intéresser, se laissant plus ou moins aller à suivre le courant, traînant d’un lieu à l’autre en attendant la chute miraculeuse d’un indice qui lui permettrait de clore ce dossier une fois pour toute. L’explication finira par venir, bien tard, et elle tient en effet du miracle tant elle est dénuée d’intérêt. Il faut dire que, en arrivant à la fin du roman, il y a un moment que l’on a cessé de s’intéresser au tueur et à ses motivations. Tout comme on a aussi en partie cessé de s’intéresser à un Saint-Cyr qui apparaît parfois trop lisse et ne semble avoir pour rôle essentiel que de nous faire découvrir d’autres personnages (en particulier Bolden et Anderson) et la Nouvelle-Orléans.

En fin de compte, Courir après le diable laisse une impression mitigée. C’est un roman qui se lit sans déplaisir, ponctué de scènes magnifiquement rendues, mais qui pêche par la minceur de son intrigue et le manque de caractère de son personnage principal. Il n’en demeure pas moins qu’il reste un premier roman prometteur et que c’est avec intérêt que l’on lira la suite des enquêtes de Saint-Cyr (Jass), en espérant que l’auteur aura réussi à concilier son travail d’érudition et sa capacité à recréer une atmosphère avec une intrigue solide et des personnages disposant d’une épaisseur supplémentaire.
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le 1 nov. 2012

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