Oz
8.4
Oz

Série HBO (1997)

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Entre 1997 et 2003, au long de six saisons et de 56 épisodes, la chaîne câblée américaine HBO a immergé ses abonnés dans la prison de haute-sécurité d’Oswald, surnommée Oz, et plus particulièrement dans le quartier de détention de Em City (Emerald City, par ailleurs nom de la capitale du pays d’Oz dans Le magicien d’Oz).

Em City est un quartier particulier de cette prison. Œuvre de Tim Mc Manus, Em City, a été agencée et organisée de manière à faciliter au mieux la réinsertion des détenus. Ainsi, les très longues peines côtoient les prisonniers incarcérés pour des crimes moins graves, tous disposent d’une grande liberté de mouvement, gèrent la restauration, le ménage ou la distribution du courrier et dorment dans des cellules en plexiglas totalement transparentes. L’idée de Mc Manus est de récréer ainsi artificiellement un semblant de vie en société qui préparera les prisonniers à leur retour à la liberté.

La recréation de cette société en prison trouve toutefois vite ses limites : la liberté accordée permet aux détenus de mieux s’organiser en groupes ethniques, de trafiquer de la drogue et, partant, débouche sur de nombreux conflits amenés à se terminer dans le sang. D’autant plus que l’expérience novatrice de Mc Manus prend place dans une institution qui est très dépendante de la gestion que décide d’en faire l’État : non seulement le gouverneur républicain utilise la prison comme un argument électoraliste qui l’amène à saper au maximum le travail de Mc Manus, mais en plus le fait que les gardiens soient extrêmement mal payés et recrutés à l’avenant ouvre la voie à une corruption généralisée qui sert les intérêts des leaders des différents groupes de prisonniers.

Il y a là tous les ingrédients d’une bonne série socialement engagée et qui, faute d’être vraiment réaliste d’un biais factuel, s’attelle a montrer aussi clairement – et crûment – que possible les interactions entre les hommes (et quelques femmes) dans un environnement clos et violent. Mais à cela, Tom Fontana[1], créateur de la série ajoute une structure particulière clairement empruntée à la tragédie grecque : ouverture et fermeture par le chœur, épisodes entrecoupés par les chants de ce même chœur. Ici, le rôle de coryphée, de chef de cœur, est presque entièrement dévolu à Augustus Hill, prisonnier noir en fauteuil roulant qui occupe donc à intervalles réguliers le centre de la scène (souvent dans une cage de plexiglas rappelant les cellules d’Em City) et qui introduit les différentes scènes en élargissant le propos de l’épisode à un fait de société ayant un rapport plus ou moins étroit avec la prison (la peine de mort, la surpopulation carcérale, mais aussi la croyance en Dieu, l’infini ou encore l’attitude face à la maladie).

D’aucuns ont pu reprocher à Oz son côté répétitif et sa violence extrême (une violence physique certes, mais aussi et surtout une importante tension qui nous laisse à voir sans fard la torture mentale subie par les prisonniers, de la part de leurs codétenus comme de la part de l’administration). L’un comme l’autre me semblent pourtant essentiels. Parce que, tout simplement, cela nous montre l’humain dans sa plus grande nudité, sans idéalisation. La répétitivité des actions (fautes – tentatives de rédemption – échecs – fautes…) n’empêche cependant pas l’évolution des personnages et la possibilité pour certains d’entre eux de quitter ce cercle vicieux autrement que les pieds devant (car les scénaristes n’hésitent pas à sacrifier leurs créatures, quelle que soit leur ancienneté dans la série ou leur importance).

Bref, voilà une série qui a tout pour plaire, qui sait élever le débat et éviter la simplification. Qui n’apporte pas de solutions mais pose de vraies questions et, comme The Wire, compte sur l’intelligence du spectateur et sa faculté à se forger une opinion. C’est assez rare pour être précieux.
EncoreDuNoirYan
9
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le 30 oct. 2012

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4 j'aime

EncoreDuNoirYan

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