Dans ma critique de La Sentinelle de l’ombre, je critiquais ouvertement Robert Crais pour son manque de prise de risque, et pour le côté plan-plan de ses derniers romans. Même s'ils sont bien écrits et se lisent à toute allure, ses thrillers sont de plus en plus prévisibles : Elvis Cole et on acolyte Joe Pike enchaînent les enquêtes les plus dangereuses sans broncher, et jamais ou presque on ne craint pour leur vie. Avec Coyotes, tout change ou presque.
Le thème principal de ce livre est le trafic humain transfrontalier, mais attention, il va falloir vous accrocher pour suivre. En gros, un jeune couple est enlevé par erreur par des "bajadores" à la frontière américano-mexicaine. Ces bajadores sont en quelque sorte des bandits qui volent tout ce que font passer les cartels entre les deux pays, qu'il s'agisse de migrants ou de marchandises illégales. Leur but ? Rançonner les familles de ces "pollos" pendant plusieurs semaines, quitte à user de la torture pour les faire crier au téléphone. Une fois que les familles arrêtent de payer, les otages sont exécutés et leurs corps sont balancés dans des charniers au milieu du désert californien. Forcément, ces tortionnaires fourbes se font pas mal d'ennemis, à commencer par les gangs mexicains et coréens du coin à qui ils ont volé les clandestins…
Pour parvenir à ses fins, le "meilleur détective du monde" va rentrer en contact avec tous ces dangereux criminels, et il finira même par se faire lui-même enlever par les bajadores. Rassurez-vous, je ne vous spoile rien, car Robert Crais a choisi de casser la chronologie des évènements et de révéler cette information très tôt dans le roman. D'un chapitre à l'autre, on passe ainsi de personnage en personnage, et le nombre de points de vue différents va augmenter de plus en plus au fur et à mesure que l'on se rapprochera du dénouement final. Pour Elvis Cole, l'auteur utilise la première personne, et c'est toujours un plaisir de retrouver le sarcasme et le détachement de ce personnage à la fois drôle et cool.
Robert Crais ne va pas se limiter à ses deux héros récurrents, et c'est un vrai soulagement pour le lecteur que je suis. Enfin un peu de renouveau ! Nous allons donc faire plus ample connaissance avec Jon Stone, un mercenaire blond à la mémoire photographique qui claque tout son argent dans sa maison des beaux quartiers de Los Angeles. Imaginez-vous donc un type aussi badass que Joe Pike, mais avec un côté casse-cou et des dents de requin. Le genre de mec qui se balade chez lui sur sa terrasse au petit matin et qui hurle "je vous emmerde" de tous es poumons, pour le plus grand bonheur de ses voisins. Autant vous dire que j'ai hâte de le revoir dans de prochaines aventures…
Malheureusement, ce roman possède quelques défauts, à commencer par son sujet. Toutes ces histoires d'enlèvements de "pollos" par des "coyotes" et des "bajadores" m'ont un peu ennuyé, et je n'ai jamais réussi à avoir la moindre empathie pour le couple formé par Jack Berman et Krista Morales. Pourtant, Robert Crais a redoublé d'efforts pour nous décrire leur calvaire dans une maison aux vitres calfeutrées : enfermés avec des dizaines d'autres otages déshumanisés dans de petites chambres, obligés de faire leurs besoins dans un seau et torturés par des kidnappeurs sadiques. C'est sûr, ce n'est pas drôle, mais tous ces passages sur le gentil petit couple américain ont cassé le rythme du roman, et j'aurais préféré que l'auteur se concentre uniquement sur la course-poursuite menée par Pike, Cole et Stone.
J'ai également trouvé qu'il y avait un peu trop de voyous au compteur, et au final, l'intrigue a fini par perdre en clarté. Que penser aussi de ce dénouement brouillon et trop peu détaillé ? Après avoir tant craint pour la vie de Cole, j'aurais aimé savoir précisément ce qui s'était passé lors de l'inévitable assaut final.
Mais s'il y a une chose à retenir de ce livre, ce sont ces 4 pages (262-265) où Joe Pike se rend chez son ami et nettoie sa Corvette crasseuse. Depuis le temps qu'elle était sale, cela m'a fait un petit quelque chose… Son face-à-face avec le chat sauvage m'a également touché, et c'est lors de cette scène surprenante que j'ai commencé à avoir peur pour la vie d'Elvis. Une page semblait alors sur le point d'être tournée pour de bon, et pour savoir si meilleur détective du monde s'est sorti ou non des mains de ses ravisseurs, vous savez désormais ce qu'il vous reste à faire.