Je l'ai déjà croisé une fois dans la rue, ce bon vieux Cujo. On en tout cas un de ses sosies : en voyant ce saint-bernard massif qui prenait la moitié du trottoir, j'aurai pu m'attendrir devant ses yeux doux et ses babines pendantes. Mais c'était perdu d'avance : le livre de ce bon vieux Stephen King, dont le souvenir était encore tout frais dans ma mémoire, m'avait tellement traumatisé que je me suis vivement écarté devant ce mastodonte pacifique. Je dirai même que si j'avais remarqué un surplus de bave sortant de son énorme gueule, je pense que j'aurai carrément changé de trottoir.

Cujo, c'est avant tout une histoire de malchance. Il aura fallu que cette pauvre Donna voit sa voiture rendre l'âme pile devant une ferme qui, par malchance, est fraichement désertée de ses habitants, excepté un saint-bernard inoculé du virus de la rage. Mais si on ignore toutes ces coïncidences tombées du ciel, il faut bien admettre que King maitrise entièrement l'art de donner naissance au Stress, le véritable, avec une majuscule. Et il le nourrit, l'amplifie graduellement tout au long du récit. A chaque fois que l'action se recentre sur ce huit-clos dans la voiture, on a l'impression que l'horreur augmente d'un échelon à chaque fois.
Et c'est parce que les parties du roman qui mettent en scène les assauts de Cujo sont les mieux réussies qu'on se fout un peu du reste du roman. Toutes ces histoires d'adultère, de céréales, de publicitaires, de saccage d'une maison... ce n'est que du blabla inutile. A aucun moment ça n'ajoute de l'intérêt à l'intrigue. Pire encore : le fait de couper les scènes avec Cujo et d'enchainer sur les problèmes professionnels du mari de Donna, ça ne fait que faire retomber la pression et l'empêche de s'accumuler. Il y a certains livres de King dont la lecture me donnait des sueurs froides. Ici, pas trop le temps de bien ressentir le Stress, celui qui porte la marque caractéristique de l'auteur. Le Stress est créé avec brio, puis disparait avec maladresse.
King insiste donc sur son principal atout pour en faire un défaut de taille : lui qui détaille si bien ses personnages, par exemple dans Le Fléau ou Ca, qui leur donne vie avec brio... ici, il détaille tellement que ça en devient presque chiant pour le lecteur. Peut-être qu'un livre plus court et davantage centré sur le huit-clos aurait été préférable, qui sait ?

Quoi qu'il en soit, il m'aura fallu un peu de temps pour me convaincre de nouveau que ce sont les plus petits corniauds qui sont les plus agressifs et que les gros chiens ont un flegme naturel. Enfin, tant qu'il n'ont pas attrapé la rage, bien sur.
Yoth
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le 15 sept. 2011

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