Ces "sommités" qui nous gouvernent...

Chouette exercice et très bonne lecture que ce bouquin inhabituel de la part d'un économiste, puisqu'il est écrit ... en alexandrins! Frédéric Lordon, je l'appréciais déjà par ailleurs comme pourfendeur du capitalisme financier, et représentant de cette économie "alternative", qui s'oppose au dogme néolibéral représenté par un Jean Tyrol par exemple... Qu'il nous écrive une satire de la crise de 2008 en vers n'est certes pas pour me déplaire. Qu'il le fasse avec autant de brio, voilà qui me réjouit encore plus.

On retrouve ici la situation de 2008 avec cet écroulement imminent du système bancaire et la panique qui s'en suit dans les milieux d'affaires et les hautes sphères gouvernementales. Les personnages de Lordon sont ici anonymes et présentés sous leur fonction (la banquier, le conseiller, le directeur de la banque centrale, le président).
Nous faisant témoin de cette belle tradition capitaliste, à savoir cette mutualisation "nécessaire" des pertes qui protège si bien les intérêts privés, Lordon nous met en scène les financiers qui, sous le choc de la crise, viennent quémander à l'Etat les deniers qui doivent empêcher le système de s'effondrer. Sarkozy tempête tant qu'il peut ("le président bébé a de nouveau vagi", dit un conseiller) mais devra bien obtempérer et mobiliser l'Etat, peut-être comme aujourd'hui un Macron a du s'intéresser bien malgré lui à ces gueux qui perdent leur emploi pour cause de Covid...

La narration est tranchante et rendue encore plus telle par la mise en alexandrin des jérémiades de ces personnages. Ces sommités cravatées se trouvent soudain employer la langue de Molière, une langue ciselée pour l'humour et qui amplifie le ridicule des discours.
Quant à Lordon lui-même on le sent présent dans le personnage d'un conseiller qui use des mots qui fâchent comme "nationalisation", ou qui pointe cette idylle dangereuse entre la finance et les politiques qui fut mise au grand jour par la crise. Ce conseiller se voit virer illico presto :-)

Un résumé intéressant de la crise des sub-primes, et une comédie plus légère que féroce sur ces collusions entre puissants qui sont toujours d'actualité... Recommandé , guys et guysettes!