Quelle belle surprise que ce livre.
Je ne connaissais pas Sylvain Tesson. L'idée d'un parisien s'isolant 6 mois dans une Datcha me paraissait, au premier abord, comme un gigantesque potentiel de pédanterie. Il n'en est rien. Il s'agit là d'un texte magnifiquement écrit. Le style est étonnement reposant, rythmé et absolument poétique. Il est souvent difficile, je trouve, de s'atteler à lire un livre aussi contemporain puisqu'il y a tant à lire, et si peu de temps. Dans les forêts de Sibérie ne fait définitivement pas partie de mes regrets.
Il s'agit pour l'auteur, de réaliser une véritable expérience philosophique d'érémitisme naissant d'un besoin criant d'abandonner l'absurde de notre vie de consommation, d'un monde où tout est bruit et si peu musique. Accompagné de bons livres et de son alcoolisme chronique, il part s'isoler auprès d'un lac gelé parmi les autochtones.
L'aspect le plus beau, avec la plus grande portée philosophique, c'est cette bienveillance poétique de l'auteur à l'égard des animaux, de la nature, des russes qu'il côtoie. Particulièrement sa relation avec ses deux chiens, particulièrement touchante, à l'a manière d'un Céline dans D'un château l'autre. Beaucoup d'émotions vraies émanent de ces mots et de ce souvenir de petite eau.
L'auteur réalise ponctuellement un portrait au vitriol et juste de nos sociétés qui parlera à tous les blasés, fatigués de la routine absurde du quotidien. Ce livre permet par ailleurs de découvrir un nombre conséquent d'autres oeuvres citées par Tesson et lues pendant son voyage, de Jünger à Sade.
Du reste, le récit est parfois un peu répétitif mais ce n'est pas un problème, il s'agit d'une caractéristique intrinsèque à son voyage qu'il ne lui est pas reprochable.
In fine, il s'agit là d'une réelle expérience philosophique, presque d'un essai sur les conséquences de l'érémitisme. C'est une oeuvre profondément humaniste et admiratrice de la nature. C'est une oeuvre parfaitement humble et contemplative. C'est un voyage au bout de la solitude.