Il ne s'emmerde pas, Sylvain Tesson. Six longs mois en solitaire (ou presque) sur le bord du lac Baïkal à nous partager avec ce livre/journal, ses humeurs, ses pensées, ses contemplations, ses déductions, ses lectures, ses virées … Il partage ses joies, ses quiétudes. Ses peines aussi car les longues absences et les grandes distances épuisent certains liens sentimentaux.
Bien évidemment, j'ai eu grand plaisir à le suivre dans sa "confortable aventure" dans un pays où il aime fuir. C'est comme si j'avais été à son côté à pêcher, débiter du bois, regarder la neige tomber au-dehors par la fenêtre, écouter le vent, regarder les montagnes à l'autre rive en buvant un thé près du poêle ou en se saoulant à la vodka, fumant des cigares, lisant le passage d'un livre : garde-manger et bibliothèque bien garnis !
Sa plume se transforme en pinceau à chaque description lyrique, poétique, d'un couché de soleil, de traces dans la neige, des sons dans la nature ...
Il consulte quelquefois son ordinateur portable avant que le froid sibérien et sauvage ne se charge de couper court à cet objet de technologie et de communication. Rappel à l'ordre du climat hivernal de la taïga !
Sylvain Tesson rend visite à ses voisins de longues distances, dans des lieux parfois à l'hygiène rustique et douteuse, avec qui il trinque et converse sur le monde et l'histoire, à plusieurs dizaines de kilomètres de la cabane où l'écrivain aventurier s'est établi. Par la terre ou par la surface gelée du plus grand lac d'eau douce de la planète. Il en reçoit aussi de la visite, autour d'une table généreuse à chaque venue. Un jour, on lui donne deux chiens qui deviennent ses compagnons. Ils le suivront jusqu'au bout du séjour, quand les neiges auront fondu.
C'était comme de prendre un bel exil loin de tout que de lire ce livre, un exil frais, hivernal, glacial, malgré que la solitude ressentie ici ressemble à un petit luxe. Si Sylvain Tesson peut se le permettre, grand bien lui en fasse. Son récit, on le hume, on le boit, on le vit à travers son regard et ses ressentis.
J'admire ses épopées de solitaire, je l'envie et il fait beaucoup réfléchir sur ce que peut réserver l'avenir sur les dernières contrées presque vierges de démographies et de ruées humaines ...