Un petit livre tout rouge

Quand on a une idée, il est souvent utile d’écrire un livre pour promouvoir cette idée. C’est le cas de Jacques Vergès en 1968. Son idée à lui est toute simple (elle est d’ailleurs résumée en quelques paragraphes en milieu d’ouvrage) : dans un procès – qui n’est que l’instance que la société se donne pour résoudre ses contradictions internes – soit on se défend en se pliant aux règles du jeu (défense de connivence), soit on refuse la place que nous assigne l’appareil judiciaire en contestant la légitimité même de celui que la société désigne pour juger (défense de rupture). C’est cette distinction, brillante, qui a forgé la renommée de Jacques Vergès.

Autour de cette idée centrale, qui se formule en quelques paragraphes, il a fallu tricoter les 250 pages de ce livre. Alors Jacques Vergès déroule des exemples, des contre-exemples, des illustrations, en une liste quasi-infinie (Jésus, Socrate, Nuremberg, les Templiers, la Baie des cochons, et bien sûr le FLN). Ça ne se prétend pas objectif, c’est bien sûr partial ; mais c’est écrit avec une plume si habile qu’on accepte cette relecture politique de tous les grands procès, comme une promenade historique en compagnie d’un lettré.

Voilà finalement De la stratégie judiciaire : un noyau dur de doctrine qui fait mouche, et de nombreuses chroniques remarquablement bien pensées. Quand il parle, on écoute.