Demande à la poussière , ou Ask the Dust dans sa version originale , est un roman semi-autobiographique de John Fante publié en 1939. Fante , l'inénarrable. Pour moi , c'est la troisième entrevue que je m'accorde avec l'auteur Coloradien après Mon Chien Stupide et Le Vin de la Jeunesse. Je tiens ce monsieur , au même titre que Philip K Dick ou Bukowski , ayant eux aussi écrit en et sur la Californie - comme si cette terre possédait quelque chose d'immense , de sublime , qui poussait les êtres à sonder leurs âmes , à trouver leurs voies - pour l'un des plus grands auteur Américain. Alors oui , dit comme ça cela ça peut paraitre diminuer drastiquement mon sens de l'objectivité , et je suis d'accord , mais après tout lisez le et vous verrez sans doute de quoi je veux parler.
Demande à la poussière , c'est un des quatre romans qui composent le quatuor Bandini avec , donc , Bandini(1938) , La Route de Los-Angeles(1985) , et Rêve de Bunker Hill (1982) - dans le désordre des parutions mais dans l'ordre chronologique. Arturo Dominic Bandini , fils d'un ouvrier italien , aspirant romancier , joint Los Angeles en cette fin d'années 30 alors que bientôt le monde va s'enfoncer dans la seconde guerre mondiale. Mais d'Hitler , Bandini il en a rien à faire. Lui ce qu'il veut , depuis sa chambre d'hotel au sommet de Bunker Hill , c'est de pondre un chef d'oeuvre , de se faire un nom. Seulement , après la publication d'une première nouvelle , le voilà totalement désargenté et bien incapable de trouver une quelconque inspiration. C'est en errant dans un Los Angeles des plus dépressif qu'il va croiser le chemin chaloupé d'une serveuse Mexicaine du nom de Camilla Lopez.
Comment dire ? A mon avis , le livre contient un défaut majeur : une certaine inharmonie. Pour faire clair , la première partie du livre est sidérante, elle précède ensuite quelques pages très mélancoliques , avant de s'enfoncer dans une sorte de routine presque inintéressante et de soudainement rejaillir dans les trente dernières pages , faisant au final de l'oeuvre une chose surpuissante d'intensité , vous rendant amorphe l'espace d'un instant alors que le point final s'écrase au terme d'une lecture en dent de scie...
J'aime bien mariner après avoir lu ou vu une oeuvre. J'aime bien être entre moi , y réfléchir - et c'est que je vais faire pour Demande à la poussière - et le constat est là : oui , ce livre fait honneur à sa réputation. Et ce même si je m'étais fait une idée du livre et du personnage de Bandini dont je n'arrive même plus à me souvenir , là , tout de suite.
Qui c'est Bandini ? Oui , c'est l'alter ego de Fante. Certes , messieurs. Mais , très franchement , c'est qui d'autre Bandini ? Eh bien Bandini , c'est un peu tout les italo-américains d'une part , ainsi que tout les italo quelque chose dans le monde. C'est un type qui , comme un paquet d'autre type , veut tellement ressembler aux wasps , aux blancs , que lorsqu'il constate ne pas en être un , réitérant la sécheresse d'âme qui annihile tout ceux qui ne possèdent pas cette histoire qui lui est pourtant inhérente , se prend une gifle avant de faire la paix avec lui même sur ce point là pour avancer. Les origines , mêmes si elles ne sont jamais vraiment évoquées frontalement dans les autres œuvres de Fante , et par là j'entends qu'elles ne trouvent pas l’exutoire merveilleux que Fante glisse au début de Demande à la poussière , sont synthétisés en un court chapitre qui démontre la virtuosité et le recul de l'écrivain sur sa peau , son nom et ce que tout cela peut lui apporter , et ce que tout cela implique pour lui de tolérance - à l'égard de Camilla , justement.
Ensuite , Demande à la poussière c'est aussi l'histoire d'une ascension - à une échelle certes microscopique , mais quand même - qui n'en est pas une. Vous le découvrirez sans doute tout seuls , mais si il faut retenir quelque chose de ce livre , en dehors du fait que Fante/Bandini aurait été criminel de poser des briques au lieu d'écrire tant il est intense dans sa banalité à la manière de son descendant et de son successeur spirituel Bukowski , c'est que gagner des batailles ne fait en aucun cas de vous un homme. Fante , c'est la question de la virilité posée en suspens. Fante c'est finalement...quelque chose d'encore plus complexe que ce que l'on imagine à première vue. Et à chaque livre , il produit un ressenti très analogue d'une oeuvre à une autre en même temps qu'elles sont différentes . Rien que les fins de ce livre et Mon Chien Stupide lient ce constat : l'une est...ce qu'elle est - no spoil - alors que la seconde possède ce ton cynique et pitoyable de fin de vie.
En somme , Demande à la poussière c'est l'expérience mélancolique qu'il faut. Bardée d'humour , bardée de finesse. Un trésor de la littérature américaine , mais je crois que toute l'oeuvre de Fante prend cette destination.

Le-debardeur-ivre
9

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le 5 sept. 2018

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