Entre 1938 et 1982, John Fante signe quatre romans (Bandini, Demande à la poussière, La Route de Los Angeles et Rêves de Bunker Hill) centrés autour du personnage semi-autobiographique (on dirait peut-être aujourd’hui biographie romancée), Arturo Bandini, alter-ego de John Fante.


Le Arturo de Demande à la poussière crèche dans les environs du quartier de Bunker Hill à Los Angeles, il parvient difficilement à se payer de quoi dormir et manger, et, en attendant de réussir à percer en tant qu’écrivain, il vit des quelques nouvelles qu’il parvient à vendre pour un magazine et en fait, surtout de la générosité de sa mère qui lui envoie çà et là quelques dollars. Sa vie, c’est au jour le jour, surtout à écumer les trottoirs du quartier et à boire du café dans le bar Columbus où il se rend de plus en plus fréquemment pour reluquer la belle créature qui y œuvre en tant que serveuse et dont il adore la façon qu’elle a de le rembarrer sans ciller : Camilla.


Il ne tient pas à s’attacher mais il faut dire qu’elle lui plaît de plus en plus cette petite tigresse. Seulement, il a beau fantasmer sur elle et se faire les plus grands films romantiques, quand il parvient enfin à retenir son attention et qu’ils partent se dorer sur une plage sauvage, il doit bien se rendre à l’évidence : toute activité physique l’a quitté, il n’a pas d’envie quand il est auprès d’elle, mais à peine la porte fermée que l’envie lui vient, quand elle n’est plus là physiquement et qu’il peut à loisir rêver d’elle. Il est un peu compliqué, Arturo, mais c’est un écrivain et il n’est pas peu fier de sa seule et unique nouvelle publiée à ce jour qu’il oppose à tout bout de champ à quiconque pour prouver qu’il a du talent, il a besoin de croire en ça, il n’y a qu’à l’écriture finalement qu’il puisse vraiment se raccrocher.


Jusqu’à ce qu’il parvienne enfin à entreprendre quelque chose avec la belle, mais c’est à ce moment-là qu’il découvre qu’elle en aime un autre, qu’elle veut bien coucher avec lui seulement si elle peut imaginer l’autre, et surtout que la marijuana lui a fait péter un bon nombre de boulons dans sa tête en chantier.


John Fante a largement inspiré la vague de la Beat Generation qui a trouvé dans son style direct, dans sa manière de raconter la vie d’un vagabond simplement, dans un langage courant voir souvent familier, qui sent la véridicité de la vie d’un vagabond à Los Angeles dans les années 30. Dans la préface à Demande à la poussière, Bukowski raconte sa première rencontre avec l’univers de Fante et comment, en quelques lignes à peine, il a compris qu’il pouvait y avoir une autre alternative à la littérature contrainte (et exsangue de ces contraintes) : l’expérience. Demande à la poussière, tout particulièrement, est un concentré, tant au niveau de la narration que du style, d’expérience : c’est simplement un mec paumé dans un monde paumé, et c’est de cette façon-là qu’il tient à le rendre dans un livre : tel que c’est vécu.


Retrouvez d'autres chroniques sur mon blog: Critiques de livres

Justine-Coffin
9
Écrit par

Créée

le 12 mai 2017

Critique lue 166 fois

Justine-Coffin

Écrit par

Critique lue 166 fois

D'autres avis sur Demande à la poussière

Demande à la poussière
SanFelice
9

"for dust thou art, and unto dust shalt thou return"

Demande à la poussière fait partie de cette catégorie parmi les plus passionnantes de la littérature américaine (littérature américaine déjà formidable par elle-même), celle qui est consacrée aux...

le 15 juil. 2015

45 j'aime

7

Demande à la poussière
About
8

Critique de Demande à la poussière par About

Fantasmer sur ses perspectives d'écrivain, c'est l'apanage de tous les scribouillards. Mais personne ne le fait comme Fante. « Arturo Bandini, romancier. Gagne largement sa vie en écrivant des...

le 7 juil. 2012

40 j'aime

8

Demande à la poussière
Pravda
9

Fante astique la poussière...

(Je suis vraiment désolée pour le titre, j'ai adoré ce livre, énorme respect et tout, mais justement, tout ce qui va suivre me semblait presque trop sérieux) Demande à la poussière c’est surement...

le 7 mars 2013

33 j'aime

17

Du même critique

Pink Moon
Justine-Coffin
10

L'odeur des grands espaces

Lire cet article sur mon blog Nick Drake est un auteur-compositeur-interprète folk et multi-instrumenstiste britannique peu reconnu de son vivant mais qui a eu une telle portée dans l’histoire de la...

le 2 juin 2016

7 j'aime

Bryter Layter
Justine-Coffin
10

L'odeur des grands espaces

Lire cet article sur mon blog Nick Drake est un auteur-compositeur-interprète folk et multi-instrumenstiste britannique peu reconnu de son vivant mais qui a eu une telle portée dans l’histoire de la...

le 2 juin 2016

5 j'aime