A l'origine de ma vie de lectrice, il y eut l'histoire : celle que l'on me racontait, puis celle que j'ai appris à déchiffrer. Puis l'habitude de ne jamais s'endormir sans avoir lu quelques pages : contes, bibliothèque rose, verte, premiers romans. Ensuite vint le temps de l'apprentissage : romans initiatiques, identification aux personnages, héros que l'on se choisit comme modèles. Une première conscience de l'importance du style, qui fait toute la différence.
Aujourd'hui, après bien des années de voisinage avec les livres, j'ai un peu l'impression que tout a été dit, pensé, créé. Certains livres m'étonnent, d'autres m'enchantent, les relectures me permettent de retrouver mes premières amours et de vérifier si je leur suis restée fidèle. Certains autres me déçoivent, par l'ennui que j'éprouve à parcourir des pages prévisibles, dans l'air du temps, à la mode, et donc démodées. Parfois survient une fulgurance, comme un accident, mais qui ne dure pas.
Et puis, au détour d'un roman que l'on achète un peu par hasard, parce que l'on a toujours vaguement entendu parler de lui, se produit le miracle de l'émotion des premiers instants, la routine de la lecture explose pour nous faire découvrir, avec grand fracas, que l'on peut encore rester pantois comme au premier jour devant une suite de mots agencés pour raconter une histoire.
C'est ce qui m'est arrivé avec ce livre de John Fante. Dès la première page, les premières phrases, j'avais besoin de reprendre mon souffle, cueillie au plus profond par cette tempête ébouriffante, ce chaos qui balaye tout sur son passage, et ce jusqu'au dernier mot de la dernière ligne. J'ai écouté Arturo Bandini me raconter sa vie d'écrivain, j'ai respiré avec lui, pleuré avec lui, eu peur avec lui...Je ne savais pas où il voulait m'entraîner mais j'étais prête à le suivre jusqu'au bout du désert du Mojave, avaler la poussière à mon tour. Suer avec lui devant la machine à écrire, traquer Camilla, l'insulter... tout, j'étais prête à tout.Arrivée à la fin, j'ai remercié John Fante de m'avoir réveillé de mon train-train de lectrice. Une histoire, un style, la grâce...
Alma99
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le 19 oct. 2011

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Alma99

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