Olivier Bordaçarre avait déjà démontré dans "La France tranquille" son talent pour dynamiter un environnement provincial paisible, et ainsi dénoncer l’aliénation et la corruption latente de notre société.

Avec "Dernier Désir", l’histoire a l’air de se nouer à l’improviste, au hasard d’une rencontre avec un nouveau voisin.
Vladimir Martin vient se présenter à Mina et Jonathan, car il est donc ce nouveau voisin et, de manière amusante, il porte le même nom de famille qu’eux. La ressemblance s’arrête ici, pour le moment. Vladimir est plus riche, beaucoup plus riche, que Mina et Jonathan qui ont plaqué, dix ans auparavant, une vie parisienne remplie de désirs de consommation aussi artificiels que vains pour s’installer loin de tout et retaper une maison isolée sur une écluse, sur les bords du canal du Berry.

"Avant, des années durant, ils s'étaient laissé happer par les sollicitations incessantes de la ville et l'hystérie qui caractérise les rythmes des métropoles. Dans un Paris saturé, ils s'étaient immergés dans l'amoncellement des produits à vendre, avec l'illusion d'en être comblés, comme deux enfants des favelas picorant les déchets soldés d'une montagne en perdition."

Homme plutôt avenant, aux élans chaleureux mais toujours sous contrôle, sauf durant de longues nuits d’insomnie solitaires, ce nouveau voisin qui porte le même prénom que le conte Dracula, qui ne boit pas, qui ne transpire pas malgré la chaleur écrasante de l’été, et qui jamais ne dévoile jamais rien de lui, suscite tour à tour l’attirance et le malaise. L’ombre de ce malaise s’étend alors que son mimétisme et sa générosité envers ses voisins envahissent leur vie. Qui est-il ? Que veut-il ?

"Vladimir Martin était assis sur une chaise de sa cuisine, face à la fenêtre, volets fermés. Pieds nus sur le carrelage tiède, ses grandes mains posées bien à plat sur ses cuisses, le dos collé au dossier, le regard fixe et perçant. Respiration lente de l’homme détendu, serein. Esprit large, étale, une ligne d’horizon sur une mer d’huile. Simple, logique, cohérent."

Dévoilant la fragilité des valeurs face aux désirs corrompus par le venin de l’argent, le roman avance, envoûtant le lecteur, dans une tension parfaitement maîtrisée jusqu'aux dernières pages car, pour citer Bram Stoker, "la nature humaine a d’extraordinaires facultés de rebondissement".

"Il me faut admirer aussi le pouvoir de l’argent. Que ne peut-il réaliser lorsqu’il est bien employé ? Et quel mal il peut faire dans le cas opposé !" (Bram Stoker, Dracula)
MarianneL
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 12 févr. 2014

Critique lue 370 fois

4 j'aime

MarianneL

Écrit par

Critique lue 370 fois

4

D'autres avis sur Dernier Désir

Dernier Désir
Angélita
7

Critique de Dernier Désir par Angélita

Avis Dernier désir d’Olivier Bordaçarre Ce roman est de qualité par son écriture. Malheureusement pour moi, je ne suis pas arrivée à me mettre dans l’ambiance. Je n’ai constaté aucune dimension...

le 29 déc. 2016

Dernier Désir
Rachel_Laskar
8

Vladimir, un ami qui vous veut du bien

Ce roman, qui n'est pas sans rappeler le film qui a fait connaître Sergi Lopez, relate par des jeux de tensions/détentes les relations qui se nouent entre Jonathan et Mina Martin, ex-parisiens...

le 26 juin 2014

Du même critique

La Culture du narcissisme
MarianneL
8

Critique de La Culture du narcissisme par MarianneL

Publié initialement en 1979, cet essai passionnant de Christopher Lasch n’est pas du tout une analyse de plus de l’égocentrisme ou de l’égoïsme, mais une étude de la façon dont l’évolution de la...

le 29 déc. 2013

36 j'aime

4

La Fin de l'homme rouge
MarianneL
9

Illusions et désenchantement : L'exil intérieur des Russes après la chute de l'Union Soviétique.

«Quand Gorbatchev est arrivé au pouvoir, nous étions tous fous de joie. On vivait dans des rêves, des illusions. On vidait nos cœurs dans nos cuisines. On voulait une nouvelle Russie… Au bout de...

le 7 déc. 2013

35 j'aime

Culture de masse ou culture populaire ?
MarianneL
8

Un essai court et nécessaire d’un observateur particulièrement lucide des évolutions du capitalisme

«Aujourd’hui il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout il faut le préserver. Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d’une façon révolutionnaire. Mais avant tout, nous...

le 24 mai 2013

32 j'aime

4