Lire les "Derniers poèmes" d'Hölderlin, c'est retrouver l'esprit d'enfance, l'innocence du regard, l'émerveillement de la beauté du monde. L'adulte doit se dépouiller du vieil homme. Le poète vibre chaque jour à la naissance du monde, baigne dans ses eaux originelles. En ce bain de jouvence, le temps s'accorde au rythme de l'univers, la joie éclate en rires contagieux.


En 1802, Hölderlin quitte à pied son poste de précepteur à Bordeaux, traverse la France, arrive épuisé physiquement et moralement chez sa mère à Nürtingen. La mort de Suzette Gontard aggrave ses troubles mentaux. En 1807, le menuisier Ernst Zimmer l'accueille chez lui à Tübingen. D'une tour qui donne sur le Neckar, Hölderlin écrit, joue de l'épinette. Ou bien il se promène dans le jardin. Il tient ses visiteurs à distance, leur parle une langue incompréhensible, les couvre de titres absurdes et de compliments excessifs. A leur demande, il improvise un poème, signé Scardanelli les dernières années. Il refuse d'entendre prononcer son nom...


Le recueil se compose de quarante huit poèmes écrits de 1807 à sa mort en 1843. Leurs thèmes sont les saisons, le temps qui passe, les paysages traversés en promenade ou vus de la fenêtre de sa chambre. Un tiers des poèmes ont pour titre une saison, la moins représentée étant l'automne. Ce sont de courts poèmes, souvent de un à trois quatrains.
"Quel bonheur pour la vue, quand reviennent au jour les heures
Où, content, l'homme regarde autour de lui dans la campagne,
Quand les hommes se demandent de leurs nouvelles,
Quand les hommes se façonnent pour une vie joyeuse.
" (LE PRINTEMPS).


Nous sommes loin des odes, élégies et des hymnes, écrites entre 1800 et 1806, qui placent Hölderlin au firmament de la poésie allemande. Ses facultés mentales et son univers ont rétréci. Il médite sur le temps, sur l'homme, multiplie maximes morales et sentences : "Qui honore le bien ne fait nul dommage,
Il se tient en estime, il ne vit pas en vain pour les hommes,
Il connaît la valeur, l'utilité d'une telle vie,
Il se fie au meilleur, il va sur des chemins bienheureux
." (L'HOMME).
Ce poème est le seul signé Hölderlin. Vingt-deux sont signés Scardanelli, "avec humilité". Les dates sont fantaisistes, souvent antérieures ou postérieures à sa propre vie...


Mon quatrain préféré compare le destin des hommes aux lignes des paysages, la vie terrestre à la vie éternelle. Il dégage certitude, harmonie et paix (traduction Gustave Roud) : "Les lignes de la vie sont diverses
Comme les routes et les contours des montagnes
Ce que nous sommes ici, un Dieu là-bas peut le parfaire
Avec des harmonies et l'éternelle récompense et le repos
." (A ZIMMER).
Édition bilingue présentée par Jean-Pierre Burgart. Sa traduction me semble trop prosaïque par rapport à certaines traductions antérieures (dans La Pléiade par exemple).

lionelbonhouvrier
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le 24 mars 2021

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