Dans tous les sens
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Il y a dans les romans pornographiques de Pierre Louÿs un élément de scénario qu’on a vite fait d’oublier tant il est évident : tout le monde est toujours d’accord. Est-ce pour cela que ces textes sont régulièrement qualifiés d’érotiques, comme si la pornographie impliquait l’idée de domination ?
En tout cas, si les personnages se fréquentent par tous les trous aussi « naturellement » que je bois du café le matin, la part du fantasme de domination est relativement réduite dans l’œuvre pornographique de Pierre Louÿs. Je crois me souvenir qu’elle est plus importante dans les textes qu’il a publiés de son vivant. Et fantasme pour fantasme, il me semble que celui de la fillette lubrique est moins pernicieux que celui de la pouliche à dompter – je dis moins pernicieux, sûrement pas plus sain…
Deux filles de leur père (1) met en scène deux sœurs d’environ dix-huit et douze ans, leur préceptrice de vingt-cinq, et leur professeur de morale (!), le narrateur, qui en a vingt-quatre. (Je compte pour rien le père des deux sœurs.) Tous ces personnages ont des préférences, qui se combinent si bien que Clarisse, Martine, Esther et Julien – respectivement – peuvent jouir et foutre à loisir.
C’est la condition incontournable pour que l’humour de Louÿs se déploie, un humour qui, là encore, n’a rien d’un humour de domination. « Pour vivre en paix, il faut être amoureux de toutes les femmes » (p. 16) : ça peut sembler stupide, de parler d’être amoureux là où certains pornographes auraient écrit d---ncer la r---elle, et d’autres éludé le sujet.
Un peu plus loin, « Dirai-je qu’elle suçait bien ? oui, mais je n’y songeais guère » (p. 29). Légèreté et crudité sont les deux mamelles de la pornographie selon Pierre Louÿs. Avec ce style qui, à la manière des classiques, paraît vouloir reconstituer artificiellement le naturel : « Quand une jeune fille se sait l’aînée d’un jeune homme, elle lui parle comme à un enfant. Ceux de mes lecteurs qui, à quinze ans, ont trouvé des jeunes filles de seize, disposées à lever leurs jupes, savent avec quelle condescendance elles s’approchent d’un potache qui bande et ont l’air d’accorder le plaisir qu’elles recherchent » (p. 98).
Et aussi avec cette ironie que les moralisateurs de 2021, aussi juste que puissent être (parfois) leurs causes, n’entendront jamais, car l’ironie – c’est l’une de ses forces – se dérobe à l’attaque frontale.
(1) Le titre est de l’éditeur, Louÿs n’ayant ni intitulé ni achevé ce roman jamais publié avant 2019.
Créée
le 29 mars 2021
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