1993, tandis que Paris sous les bombes, Berlin Est a ouvert sa tombe, libérant sans y prendre garde un flow de drogues inattendu. Et ses ravages. L'image est grise, triste et sordide, le message est clair, incisif et provocateur. Étranges aquarelles sans espoir, sans vie. Une chambre, des rues, et ce rond point où tout se passe.

L'image est grise donc, et le texte y colle avec merveille. Max a huit ans, Max a deux amis, la tendre Mia, qui s'effrite, son sac plastique entre les jambes, une seringue plantée dans ses bras bleu et jaune, et son vieux chien, noir, gentil comme tout.

Max est un héros tragique, doué d'une conscience sans faille, il sent la souffrance de Mia, victime d'un poison trop grand pour elle - victime facile des trips - voir paragraphe 4 - et des cigarettes magiques. Le chemin est si facile, raconté avec la vanité de l'expérience. Est-elle sérieuse à quatorze ans ? Mais il s'en rappellera, parce qu'il est notre seul espoir. Il devient interdit de la fréquenter, ses parents, et le temps passe, se glace, l'hiver s'approche tranquille, et rien ne va plus lorsqu'il croise Mia devant la boulangerie. Elle tremble, elle tousse, ses yeux qu'on imagine si beaux - parce que les yeux sont toujours beaux en imagination - s'éteignent, le vent souffle, il neige, et plus personne n'achète d'allumette. Ambiance Dostoievski, la phtisie et autres déboires.

On ne saura rien de Mia, ses bras, sa toux, et sa douceur fiévreuse. Son chien. Et cette sale habitude de se trouer la peau. Et le soleil. Je vous ai pas encore parlé du soleil, il est l'espoir. Le bonheur de Max, ces rayons qui plongent entre des doigts.

Plus tard, elle s'endort dans une chambre d'hôpital, le gentil chien noir change de maître. Max sombre dans une lointaine dépression. Il y a des larmes. Ses mains ne tremblent plus, ne bougent plus. Sa voix s'est cassée, avec le reste. Et une ellipse. Quelque chose s'est brisé dans le lecteur. L'espoir, la vie, un de ces idées qu'on ne garde que pendant.

"Tu veux un trip ?" C'est une fin vague, rapide et violente. Un doute plane, mais qu'est ce qui ne traîne pas dans ce Berlin en ruine ? Pauvre Max.

"Plus tard, je veux aider les drogués."

Paragraphe 4 : Lorsqu'une seconde s'étend.

Elle enfle, s'approfondit, nette et précise, focalisée. Une musique, un sourire, un silence, un geste avorté. Tout est prétexte à l'interprétation vide de sens. Regarde cette ligne sur le sol. Regarde les murs. Regarde tout autour de toi. Cette pièce, ventre vide, et le vent de nos vanités. Mia s'allonge, la tête contre le sol. Ses yeux sont vagues, ses gestes vaporeux, mes mains sont étranges, ratées, squelettiques et pointues. Nos idées se croisent sans cesse, mais je suis terrorisé à l'idée d'entendre sa voix.

Note pour plus tard :
"C'est du poison."
JZD
10
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le 5 janv. 2012

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J. Z. D.

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