[...] Je craignais qu’une telle folie douce ne soit pas éternelle.

Pour son premier roman le nantais Olivier Bourdeaut frappe très fort et bénéficie d'un buzz incroyable (on lui souhaite d'ailleurs de s'en remettre car il n'est jamais facile de se relever d'un tel premier succès).
En attendant Bojangles est de la bonne veine des meilleures feel-good-stories : un peu beaucoup d'amour, un gros brin de folie déjantée, une hénaurme tendresse pour ses personnages, voilà les ingrédients qui font le succès du Théorème du homard, du Mec de la tombe d'à côté, du Liseur du 6h27 et de plein d'autres.
Des livres au succès envahissant que l'on prend sur l'étagère avec des pincettes (bon d'accord désormais on télécharge : mais les pincettes sont toujours de rigueur) parce que l'on se méfie de ces trop bons sentiments enveloppés dans du papier bonbon trop coloré.
Heureusement pour nous, quelques auteurs (comme ceux cités plus haut) réussissent à ne pas se contenter de bons sentiments trop sucrés et à nous convaincre qu'ils savent écrire, tout simplement.
Olivier Bourdeaut est de ceux-ci et son bouquin est pratiquement un sans faute : de l'humour et de l'amour, du style et de la classe, mais aucun effet littéraire prétentieux et plutôt une grande rigueur pour suivre le fil ténu de son histoire à un rythme soutenu tout au long de ce petit livre.
L'histoire d'une petite famille : Papa, Maman et Junior.
Une fable intemporelle (en dépit de quelques repères seventies) de celles qui nous laissent gentiment accroire que le rêve d'un château en Espagne peut devenir réalité, de ces mensonges qu'on aime tant depuis le père noël et la petite souris.
Papa est follement amoureux de Maman et Maman est un peu folle.



[...] Ce mélange de cocotte des années folles et de Cheyenne sous l’influence du peyotl.
[...] Elle avait réussi à donner un sens à ma vie en la transformant en un bordel perpétuel.
[...] Cette douce marginalité, ces pieds de nez perpétuels à la réalité, ces bras d’honneur aux conventions, aux horloges, aux saisons, ces langues tirées aux qu’en-dira-t-on.



Avec grande classe, le couple mène une vie un peu déjantée (bon, franchement déjantée) et Junior grandit hors normes aux côtés d'une grue de Numibie qui déambule dans l'appartement.
Mais Madame n'est pas folle qu'à moitié et bientôt tout cela va se corser : très habilement, Olivier Bourdeaut réussit à ne pas sombrer dans le mélo et à maintenir notre sourire sans nous faire pleurer (ou à peine).
Chacun trouvera sans doute au cœur de cette romance affabulée quelques échos de ses propres histoires et l'auteur semble même y avoir distillé de multiples détails plus ou moins autobiographiques.
Pour notre part, on a voulu lire ici un très bel hommage à ces femmes qui sont l'avenir de l'homme et à leur folie douce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue, avec elles.
Si Madame a tant de prénoms dans cette histoire (elle s'appelle tantôt Georgette, tantôt Marguerite, tantôt Renée, etc ...) c'est bien parce qu'elle est toutes les Èves de notre paradis terrestre.
Le bouquin nous laisse d'ailleurs un étrange arrière-goût, pas seulement parce qu'il ne se termine pas si bien que cela mais surtout parce que le trait volontairement forcé de cette jolie fable appuie un peu fort là où ça fait un peu mal : sommes donc nous si assurés de veiller suffisamment à nos vies trop bien rangées, réglées sur du papier à musique dont l'air n'est pas toujours celui de Nina Simone ?



[...] Il ne pouvait y avoir qu’un diamant pour donner une musique pareille.



Bref nous dit l'auteur, sommes nous donc si assurés de veiller suffisamment à l'épanouissement de notre Georgette ?
Merci pour le rappel salutaire, Mr. Bojangles, pardon, Mr. Bourdeaut.
Pour celles et ceux qui n'aiment ni ouvrir leur courrier, ni payer leurs impôts.
Pour celles et ceux qui aiment Nina Simone et les grues de Numibie, les apéritifs et le gym tonic, les beaux mensonges et les châteaux en Espagne.
Pour ceux qui aiment leur Georgette, à la folie.
Pour celles et ceux dont le cœur balance entre la Saint-Valentin et la Saint Georgette.

BMR
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 14 févr. 2016

Critique lue 840 fois

4 j'aime

1 commentaire

BMR

Écrit par

Critique lue 840 fois

4
1

D'autres avis sur En attendant Bojangles

En attendant Bojangles
Nadouch03
4

Eloge de la folie douce, un peu raté...

Ah là là, qu'est-ce qu'elles ont ces petites "pépites", ces "découvertes à ne pas louper", ces "révélations de l'année", à me décevoir presque systématiquement ? Je le pressentais un peu, pour tout...

le 18 juin 2016

22 j'aime

5

En attendant Bojangles
Kitou_Lor
8

Balade en folie douce

Regardez un tableau de Dali : du drôle et de l’inquiétant, de l’impossible et de l’absurde, l’envie de suivre un mouvement joyeux et coloré malgré le vertige… Et écoutez aussi Nina Simone chanter Mr...

le 27 mars 2016

19 j'aime

4

Du même critique

A War
BMR
8

Quelque chose de pourri dans notre royaume du Danemark.

Encore un film de guerre en Afghanistan ? Bof ... Oui, mais c'est un film danois. Ah ? Oui, un film de Tobias Lindholm. Attends, ça me dit quelque chose ... Ah purée, c'est celui de Hijacking ...

Par

le 5 juin 2016

10 j'aime

2

The Two Faces of January
BMR
4

La femme ou la valise ?

Premier film de Hossein Amini, le scénariste de Drive, The two faces of January, est un polar un peu mollasson qui veut reproduire le charme, le ton, les ambiances, les couleurs, des films noirs...

Par

le 23 juin 2014

10 j'aime

Les bottes suédoises
BMR
6

[...] Je ne suis pas hypocondriaque, mais je préfère être tranquille.

C'est évidemment avec un petit pincement au cœur que l'on ouvre le paquet contenant Les bottes suédoises, dernier roman du regretté Henning Mankell disparu fin 2015. C'est par fidélité au suédois et...

Par

le 10 oct. 2016

9 j'aime

1