J'ai découvert ce bouquin quand j'étais en première (La foule : « Hoooo, non, il va encore radoter »), j'errais par hasard dans mon CDI un jour de pluie, et sans doute pendant un cours de sport. Je cherchais dans le maigre rayon musique de quoi contenter ma faim, quand je vis, entre la vie de Mozart en bande dessinée et un bouquin de 36 pages sur les Beatles, cet énorme pavé à couverture jaune. Je ne pouvais en croire mes yeux ! Ce livre introuvable en première édition française ou anglaise, et réédité, il y avait à peine un mois, était là, me narguant presque... Ignorant ses 685 pages, j'ai lu ce livre quasiment d'une traite, emmagasinant les informations comme un apothicaire, sortant un « OMFG » toutes les dix pages, riant à chaque citation de Strummer ou du chanteur des Buzzcocks...

Jon Savage a écrit, la seule et unique « étude » complète sur le punk... Celle-ci analyse toute cette période punk (mais surtout celle des Pistols en Angleterre) avec une froide et méthodique rigueur, et une pointe de chauvinisme forcené. Et il s'y connaît en punk le salaud : quasiment tout part de son expérience personnelle Ici et là on retrouve des passages de son journal intime écrits au moment des faits qui rajoutent une fraîcheur inédite au texte. Ou des extraits d'interviews datant de l'époque où il écrivait dans son fanzine, « London's Outrage » ou pour Sounds, le challenger du NME ou du Melody Maker. On peut lire les mots de la plupart des protagonistes du mouvement, qu'ils soient anglais ou américains, ou même français. Et ces citations, lui seul les avait : Siouxsie (sans ses Banshees) qui dément la rumeur d'idylle avec Rotten en expliquant qu'il était bien trop gentil pour elle, Vicious qui raconte comment il a essayé de se bagarrer avec ses fans à tous ses concerts, les problèmes entre Sham69 et les boneheads, les Clash et les Buzzcocks qui racontent leur tournée en France, totalement orgiaque (et c'est à ce moment qu'on entend un peu parler de nos Metal Urbain et autres Stinky Toys), ou comment, et ces histoires sont FABULEUSES, comment ils piquaient, faute de pognon, tout leur matos chez des groupes rivaux ou dans les magasins d'instruments, pour pouvoir, sans remords, les bousiller et les abandonner sur scène... Et ça continue encore, et encore. Il a des tonnes d'anecdotes extraordinaires.

Il apporte aussi un regard nouveau sur des évènements connus comme l'incident du bateau sur la Tamise, la mort de Sid et Nancy (retranscrite de manière assez gore, limite on sait où le couteau s'est enfoncé dans le bide de la pauvre femme), l'influence de McLaren sur le punk anglais, qui était à la fois marionnettiste et bouffon, le remplacement vicelard de Matlock par Vicious... Et bien sur, Savage ne se contente pas de la musique, il étend son récit sur toutes les formes d'art liés au punk : les fanzines, l'habillement, les arts plastiques, le cinéma... Il y a une grande partie du bouquin qui parle du reggae et des passions communes qui animaient les noirs et les blancs sur leurs eux îles et comment en partouzant, le ska anglais est apparu ou les Clash se sont ouverts à autre chose leur permettant de sortir le meilleur album du monde (ça c'est de moi) Mais il commente aussi la politique et les tensions sociales de l'époque, les conséquences de la crise de 73 sur les foyers populaires, qui, selon lui, explique en grande partie ce mouvement punk.

Et c'est là que Savage se différencie de l'histoire officielle du punk : pour lui et son amour propre de britton, le mouvement est anglais à la base. Ce sont les problèmes liés à la crise qui ont poussé les classes populaires anglaises à sortir des insanités en éructant dans un micro leurs problèmes au quotidien et leur dégoût pour le pouvoir et la reine. Oh il y a bien, les Ramones, mais il n'y prête guère attention et pour lui, Patti Smith et ses copains sont de bons poètes mais ils ont évidemment senti le vent tourné du coté de l'Angleterre et s'en sont inspirés (avant les anglais ! Dingue ! Mais il trouvera toujours une explication). Il déteste, bien évidemment Richard Hell. Par contre, il ne renie pas l'influence américaine sur la musique punk, notamment avec les Stooges et leur album « Raw Power » qu'il classe deuxième meilleur album de tous les temps (voir le dernier paragraphe) ou le groupe des New York Dolls qui ont entraîné McLaren, qui était leur manager sur la fin, aux techniques de marketing redoutables qu'il allait mettre au point pour les Pistols.

Et même si le groupe et tout ce qui tourne autour (l'histoire, l'apogée, les anecdotes, la désillusion, la boutique Sex, Vivienne Westwood, McLaren...) sont au centre du bouquin, il n'oublie pas de parler de tous les autres groupes de l'époque, en omettant pas de faire un petit commentaire personnel parfois nostalgique, parfois acerbe mais souvent drôles : The Damned, The Buzzcocks, Sham 69, Bow Wow, Wow, The Saints (qui nous viennent d'australie), Subway Sect, The Ruts, Nina Hagen (qui en prend plein la gueule), les Ramones, Blondie... et surtout les Clash qui adulaient les Pistols à leurs débuts et qui ont fini par les dépasser et à avoir comme fans Johnny Rotten. Pour finir sur toute la déchéance et toutes ses merdes, les morts, les problèmes de drogues, les tentatives de conquête des majors, ou Offspring.

Pour quiconque s'intéresse à ce mouvement il faut lire ce bouquin ! Il est complet, truffé de bons moment, très drôle, très bien écrit et les pages passent très facilement, on arrive à la fin sans s'en apercevoir.

Et à la fin, il y a trente pages d'annexes, de vocabulaires, de chronologies de groupes, de tops album de son cru... avec en plus, à la deuxième édition des rajouts et une analyse du mouvement jusqu'en 2001 avec des passages sur Eminem, Nirvana ou Patton. Ces trente pages sont une mine de renseignement pour le collectionneur avide de disques punks.
MrShuffle
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les éditions Allia, bible musicale en France et

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le 24 juin 2010

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