Après Chateaubriand, plus connu pour son appartenance au romantisme que pour ses idées légitimistes, Maistre et Bonald sont les auteurs les plus connus de ce courant, donc ceux que les intéressés lisent en premier, ce qui fut mon cas.

L’Essai analytique sur les lois naturelles de l'ordre social propose une réflexion approfondie sur la nature de l'ordre social, en explorant les lois naturelles qui le régissent selon l'auteur. C’est un sujet qui m’intéresse énormément, moi qui suis toujours en quête d’ordre et partisan d’une société hierarchisé, où le peuple comprend qu’il doit rester à sa place et rejeter tout individualisme né d’un libéralsime éhonté.

Louis de Bonald parle étymologie, parce qu’il faut commencer par le commencement, et par ce moyen, on comprend déjà les ambiguïtés et les contradictions possibles dans la compréhension des termes. Il met ainsi en lumière les complexités de l'ordre social et des hiérarchies établies.

Il explique que le mot royauté dérive du latin regere, qui signifie diriger ou gouverner. Cependant, il souligne que la simple notion de direction n'implique pas nécessairement une direction correcte ou valide. Par conséquent, il suggère que la royauté peut être fausse ou inefficace dans sa direction. J’aime beaucoup cette interprétation car elle exclut d’emblée les zélés qui sont incapables de remettre l’incarnation du pouvoir en question ainsi que les autres bandeurs de rois, qui résument la royauté à des mariages mondains ou autre ragots nobiliaires.

Justement, la noblesse, Bonald l'associe à l'adjectif latin notabilis, qui signifie digne d'être remarqué. Cependant, il souligne que la noblesse peut se distinguer non seulement par des vertus, mais aussi par des vices. Cette idée remet en question l'idéal traditionnel de la noblesse en tant que modèle de vertu, ce que j’approuve pour les mêmes raisons citées plus haut.

Enfin, Bonald aborde le mot peuple, qui trouve son origine dans le verbe latin populare, signifiant ravager ou dévaster. Il soutient que cette connotation du peuple est associée à une certaine méfiance à l'égard de la multitude, notamment dans la culture grecque où multitude est synonyme de mauvais ou méchant. Balayée donc, la sacro-sainte image du gentil peuple qui sait toujours tout et a toujours raison, et les raisons de sa dangerosité et sa dissonance quant à l’accès au pouvoir sont bien soulignées.

Le terme pouvoir est un souvent biaisé par l’idée de prérogatives qu’il représente, et il l’explique bien ici. Moi qui déteste l’arbitraire et les tyrans, j’ai été conquis.

Bonald explique que le pouvoir est un attribut qui souligne à celui qui le détient qu'il ne peut agir que pour vouloir et faire le bien. Selon lui, le mal est l'expression des passions, qui sont en réalité une faiblesse du pouvoir. Ainsi, dès lors que celui qui détient le pouvoir cesse de vouloir et de faire le bien, il perd réellement son pouvoir. C’est extrêmement pertinent, et ça incrimine d’office les rois ou détenteurs du pouvoir qui se laissent abuser par leurs passions et perdent ainsi toute légitimité. Mais je pense aussi que la médiocrité inhérente à l’humain prendra toujours le dessus sur les tentatives de paraître immaculé, trop vertueux, et c’est donc également une vision utopiste, selon moi, bien que très plaisante.

En ce qui concerne les ministres ou serviteurs, Bonald leur rappelle qu'ils sont établis pour servir leurs semblables. Leur rôle est celui d'un engagement dédié au service des autres et non une prérogative. Il critique également l'idée selon laquelle ils se considéreraient élevés au-dessus des autres en raison de leur rang, alors qu'ils ne se distinguent que par l'importance de leurs devoirs. L’égalité parfaite, qu’en pensent les républicains ?

Enfin, Bonald évoque le sujet en tant que terme d'une action sociale et conservatrice. Selon lui, le but de cette action est de protéger l'homme des erreurs de sa volonté et de la tyrannie de ses passions, afin de lui permettre de jouir de sa véritable liberté et de le conduire vers sa nature essentielle, qui est la perfection de son être. Il soutient que l'homme ne peut être bon sans être éclairé dans sa volonté et guidé dans son action, et donc, être véritablement libre sans être soumis à un certain degré. La masse a besoin d’éducation, de guide. Le libéralisme et l’oligarchisme a détruit tout ça. Maintenant les gens ne pensent qu’à devenir riches, car l’argent a remplacé Dieu en tant que légitimité suprême.

Lorsqu’il fait une analogie entre les miuvements et lois immuables du monde physique avec le monde moral, et qu’il affirme que celui-ci ne peut pas être altéré par les actions désordonnées et individuelles des hommes, là je ne suis pas d’accord non plus.

Certes, la planète continue de tourner même si tous les humains marchent à contre-sens de ses rotations spatiales, mais pour le monde moral, c’est différent. Les humains corrompent sans cesse l’ordre moral, défiant des criminels parce qu’ils sont milliardaires, déifiant des sportifs qui jouent bien au foot, des tocards et pimbêches qui parlent à leurs téléphones, ils glorifient la délinquence à travers les arts, dénaturent ce même art pour faire de l’argent, ils affirment aux enfants que les hommes peuvent avoir leurs règles et tomber enceintes, bref, tout ça quoi. Si ces belles choses ne logent pas encore dans la tête des gens sains d’esprit, on constate bien que l’aboulie qui permet leur propagation n’est pas prête de s’arrêter, symbole de la mort lente de cet ordre moral, perturbé par toutes ces volontés libérales.

Sa magnifique citation : « Je regarde donc comme erronée l'opinion, que les lois doivent être accommodées à l'imperfection des hommes et condescendre à leur foiblesse ; tandis au contraire que la loi, règle suprême et inflexible de nos volontés et de nos actions, nous est donnée pour soutenir par sa force notre foiblesse, et redresser nos penchans par sa rectitude. » a donc bien mal vieilli.

Un ouvrage vraiment intéressant, limpide, avec des belles citations qui font mouche, allant jusqu’à comparer ceux qui fondent la société sur la philosophie des Lumières à « à un propriétaire qui appelleroit son vernisseur pour construire la charpente d'un édifice. »

Je terminerai avec cette citation parfaite : « Je n'indique donc pas à l'autorité ce qu'elle doit faire, la nature fait assez ; mais plutôt ce qu'elle doit empêcher, car l'homme fait toujours trop. »

Ubuesque_jarapaf
9

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le 23 oct. 2023

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