Evadés de l'Enfer !

Hal DUNCAN
Folio SF

« J'ai écrit un roman où le concept d'enfer est interprété de façon littérale, pour rendre la damnation concrète. Pour moi, c'est une façon valable de lutter contre l'enfer permanent imposé par les idéologies de merde qui nous pourrissent l'existence ».

Voilà comme amuse bouche...Hal Duncan est un auteur écossais, auteur de deux pavés (Le livre de toutes les Heures), mettant en scène une fresque apocalyptique autour du siège vacant de Dieu et de deux factions d'anges...et il ne mâche pas ses mots.
Son troisième livre, aborde un sujet relativement proche, puisqu'il prend place dans l'Enfer ; pas celui de Dante, pas celui des mythologies, ni finalement l'expression littérale de celui qui est décrit dans la Bible, bien qu'il soit soumis à ses lois...
Non pour Hal Duncan : « l'Enfer : une ville peuplée de gens qui regardent la télévision dans des maisons ou des chambres d'hôtel et d'hôpital sordides, grouillent dans les rues devant les vitrines écrans bordant la place au cœur du quartier des spectacles, se battent et baisent et bouffent au son des programmes de Vox News [lol], vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. »
Un cadre, une ville, plutôt moderne, version miroir déformante et sordide d'un Manhattan décadent, de cendres, de crasse et d'horreur ; où les âmes des défunts pêcheurs atterrissent devant le bureau d'une administration infernale (au sens propre comme au sens figuré) ; où des démons fonctionnaires envoient vers leur ultime damnation les âmes fautives en fonction de leur pêché. Tout un programme.

Quatre personnages, Seven le Tueur, Eli le Clodo, Belle la Pute, et Matthew l'Homo, trouvent la mort.
Un lieu donc, l'Enfer, où ils se retrouvent.
Une volonté commune, s'en échapper, ensemble ou seul, mais partir loin de ce lieu où la répétition et la résignation vous déshumanisent un mort.

Voilà résumé en quelques phrases l'accroche de ce roman relativement court. On y retrouve les archétypes d'un Bloc-Buster,
Dès les premières pages ça suinte l'efficacité, le rythme y est rapide, court et brutal. Un paragraphe par personnage, quelques phrases incisives pour les présentations, et paf c'est parti pour 200 pages d'actions débridées, sans pause dans le rythme (sauf vers la fin). La narration alterne entre des phases introspectives et des phases classiques à la troisième personne. Le style y est cru, souvent vulgaire, et d'une violence rare, qui sert tout autant la forme que le fond...parce que l'Enfer, foncièrement, ce n'est pas un endroit cool
Mais Evadés de l'Enfer ! s'il se veut conçu comme un livre coup de poing, façon Buddy Movie, où les divergences de point de vue se règlent à coup de canon scié et d'explosions, c'est aussi un propos, une dénonciation des stéréotypes du jugement moralisateur des religions monothéistes.


Evadés de l'Enfer ! , c'est le titre d'un film des années 80...il eut pu l'être en tout cas.
Derrière ce titre incisif qui nous laisse présager un divertissement un peu bas de plafond, s'exprime en fait un sujet passionnant et profond, qui lorgne vers la dénonciation sociale, philosophique et religieuse de l'ordre des choses. Hal Duncan résume très bien son propos lors d'une Interview au site critique www.lecafardcosmique, il y explique ce contre quoi il lutte :
« C'est la rhétorique de l'ordre au service de l'ordre. Cet état d'esprit est fondamental dans un système qui condamne les gens pour des choses qu'ils ne peuvent contrôler. Pour des choses qui ne sont pas mal en soi. Le système blâme les victimes et les peint comme des pêcheurs — que l'on punit avec fierté. Les individus qui souffrent se blâment eux-mêmes. Ils finissent par créer leur propre punition, par l'accepter. On les « soigne », on les « purge ». On les brise. Nous vivons dans un système et c'est ce système qui définit la réalité. Alors nous acceptons. [Les personnages] sont en enfer parce qu'ils croient le mériter, d'une certaine façon. »

Un livre passionnant, dérangeant parfois malsain dans son processus de description, qui propose avec humour et intelligence une tragédie humaine, aux accents blasphématoires (où les bons ne semblent pas être ceux que l'on pense), jubilatoire.
La lecture de la fin du livre m'avait laissé comme un goût de suite possible...il semble qu'en fait l'auteur se soit fait plaisir et ait mit en route une trilogie.
Cosmoclems
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le 2 déc. 2010

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