Rhapsodie pour catéchumènes
Aucune trace de la vie de Jésus dans ce pêle-mêle d’affirmations religieuses destinées à accompagner les cérémonies de baptême et de catéchèse gnostiques. Les textes doivent amener les catéchumènes à chercher la vérité et à renoncer à l’erreur. Les énoncés font quand même un peu désordre, et sont mystiques dans la mesure où, comme leur sens littéral n’est pas satisfaisant, les catéchumènes se trouvent incités à y rechercher un sens caché, comme dans les « Stromates » de Clément d’Alexandrie.
L’âme doit donc être amenée progressivement à une illumination, qui lui fait comprendre la réalité du drame gnostique qui se joue derrière les apparences du monde sensible. L’image la plus appropriée pour décrire cette démarche est le déchirement du voile du Temple, du haut jusqu’en bas. De fait, le voile qui masquait l’accès au Saint des Saints du Temple de Jérusalem est réputé s’être spontanément déchiré lors de la mort de Jésus, indice d’un passage à la Salvation universelle à ce moment précis. On ne peut s’empêcher de songer, dans une autre optique mystique, au dévoilement d’Isis, censé conférer une expérience comparable.
Même le symbole de la « chambre nuptiale », fréquemment citée dans ce texte (84-86), ne renvoie pas à un quelconque simulacre sexuel qui arrangerait bien les gros cochons qui sommeillent sous les mystiques du dimanche ; il recouvre l’ensemble des rites qui donnent accès au « dévoilement » : baptême, onction, eucharistie, baiser mutuel.
Jésus et les archontes sont souvent cités dans ce texte, mais ce qui en est dit nécessite une interprétation. Par exemple, la « résurrection » n’est pas une résurrection dans un corps de chair, mais dans le corps symbolique du Christ grâce au baptême et à l’eucharistie. Quant au baiser, il sous-entend un échange des souffles : c’est une acte de génération spirituelle réciproque.
Pour l’anecdote, je vous laisse méditer quelques passages : « Dieu est un mangeur d’hommes » (62, 36). Jésus aimait Marie-Madeleine plus que les autres disciples, et l’embrassait souvent sur la bouche (fin de 63). La mort est apparue quand Eve fut séparée d’Adam (68, 20-25 ; 70, 10-12). Le Démiurge est cité sous le nom de « Fils de l’Homme » (81). « Un mariage, s’il s’expose, devient fornication » (82, 10-11). La vérité est cachée, et l’on doit faire effort pour y accéder et devenir libres (83-84).
Un texte gnostique, peu justiciable d’une lecture cursive, mais d’une réflexion symbolique.