Fahrenheit 451
7.7
Fahrenheit 451

livre de Ray Bradbury (1953)

Farenheit 451 me fait peur. Il me fait peur, parce que c'est le roman d'anticipation le plus réaliste et le plus réalisable qu'il m'ait été donné de lire, et il me fait peur, parce que j'ai la nette impression que certaines de ses anticipations sont en train de se réaliser petit à petit.
L'oeuvre de Bradbury me semble d'actualité encore plus brûlante qu'à l'époque où elle a été rédigée. L'auteur a conçu cette histoire pendant la période américaine la plus noire de la Guerre Froide, en réaction à la propagande capitaliste et à la glorification sans bornes de la société de consommation. Mais à présent, l'URSS s'est effondrée, il n'y a plus de contre-modèle, la situation peut être considérée comme bien pire qu'à son époque, car aucune perspective de changement, d'alternative, ne peut être entrevue.
Bradbury avait analysé, sinon prévu, que notre société serait gangrénée par le germe de décadence le plus dramatique qui soit: la disparition de la curiosité, de l'esprit de recherche et de découverte. Clarisse McClellan est décrite comme une originale, presque une folle dans ce monde en apparence si serein et si heureux. Mais fou, on l'est toujours par rapport à une norme, et quand la norme déconne, comment savoir de quel côté la folie se trouve ? Clarisse se comporte comme toutes les jeunes personnes de son âge devraient se comporter: elle cherche à comprendre, elle s'intéresse à tout ce qui l'entoure, écoute ses sensations, s'émerveille de l'inventivité de la nature, est fichée par les services de renseignements comme dangereuse et incontrôlable. Cherchez l'erreur.

La lecture de ce bouquin a réveillé en moi la mélodie et les paroles du "Pouvoir d'achet" de la Chanson du Dimanche: ce fameux pouvoir d'achat, dont on nous rebat les oreilles à longueur de temps, à quoi nous sert-il sinon à consommer gaiement, parce que la voie du bonheur c'est ça, consommer toujours plus, s'amuser toujours plus, posséder toujours plus. Cette voie du bonheur me fait peur. Ce n'est pas la voie du bonheur, c'est la voie de la fin de l'humanité. De façon assez ironique, Bradbury semble tenir la guerre, la défaite et la desstruction comme une planche de salut, une opportunité de rebâtir une société sur des bases plus saines. Y croit-il vraiment, ou la chute de la société semi-imaginaire qu'il a bâtie avait-elle une autre portée, plus symbolique ?
Je n'ai pas la réponse, mais je peux affirmer sans crainte de me tromper que cette oeuvre fait partie des chefs-d'oeuvre de la pensée.
lavoisier
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le 7 mars 2013

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