Watzlawick vulgarise ici les principes que j'ai retrouvé davantage théorisés dans Changements. Je note donc ce livre (7/10) en regard de cet autre ouvrage (8,5/10).
En effet, il a le défaut de ses avantages : court, anecdotique, voir élusif.
Ce sera une excellente introduction pour des gens qui ne connaissent pas bien Watzlawick ; au mieux un rafraîchissement pour les autres.
C'est fouilli, parfois un peu redondant, ça peut friser le lieu commun. Mais c'est essentiellement pertinent et ça nous fait réfléchir aux mauvaises habitudes cognitives et relationnelles que nous avons pu prendre. En plus, c'est régulièrement drôle (humour grinçant, attention).
Le livre est divisé en 14 courts chapitres, qui présentent chacun des principes que l'auteur a choisi pour nous aider à nous rendre malheureux :
1. Avant tout sois loyal envers toi-même sans jamais renoncer : il faut toujours vouloir le monde tel qu'il devrait être plutôt que tel qu'il est, ne jamais accepter une déconvenue en serrant les dents (ce qui serait une mesquine trahison de l'idéal).
2. Notre rapport au passé est plein de ressources de malheur : nous pouvons nous complaire dans une version idéalisée du passé, le regretter, refuser de tourner la page. Bonus : on oublie par là-même de vivre dans le présent, où beaucoup d'occasions de non-malheur se présentent. On peut, d'une erreur passée, cultiver un repentir interminable et fataliste. "Jamais je n'aurais dû, mais, désormais, il est trop tard". Une alternative est de se déclarer absolument innocent de l'événement originel, et se complaire alors dans un statut de victime, se scandalisant de la possibilité même qu'on aurait aujourd'hui de remédier au mal.
- 2 bis : il y a le fameux "il suffit d'insister" (ou "toujours plus de la même chose") : appliquer encore et encore ce qui fut une solution à une difficulté, même quand la difficulté a disparu, est un excellent moyen de perpétuer voire de créer de nouveaux problèmes !
3. Compter sur l'autosuggestion : susciter en son esprit un scénario catastrophique qui nous met dans les meilleures dispositions pour que, une fois la réalité rejointe, tout se passe effectivement au plus mal.
Peu de mécanismes pourraient produire un effet aussi dévastateur que celui qui consiste à affronter brusquement un partenaire qui ne se doute de rien en lui assenant la conclusion d'une longue réflexion fondée sur des postulats imaginaires et dans laquelle il joue un rôle - négatif, certes, mais fondamental. Effarement, colère, prétendue incompréhension, refus désespéré de toute culpabilité - autant de preuve concluantes du fait qu'on avait vu juste.
Il est essentiel pour une autosuggestion réussie "d'empêcher la main droite de savoir ce que fait la gauche". Pour cela, Watzlawick propose des exercices : se concentrer sur une partie de son corps, regarder le ciel fixement, tendre l'oreille en plein silence... Afin de découvrir l'inconfort, les petites bulles dans le champ visuel (corps flottants), les acouphènes qui pourront nous obséder à l'envi. Se persuader que les feux passent toujours au rouge quand nous nous en approchons, que les gens parlent dans notre dos...
4. Une superbe technique consiste "non plus à créer des difficultés, mais bien à les éviter afin de permettre leur perpétuation". Le mécanisme d'évitement à l'origine de beaucoup de phobies est très bien décrit ici.
- 4 bis : ces conduites d'évitement peuvent produire de très satisfaisantes prophéties autoréalisatrices : mon comportement soupçonneux pousse mon entourage à chuchoter, créant par la sa propre confirmation. L'exclusion sociale d'une minorité la force à recourir à l'illégalité, confirmant par-là sa bassesse. L'augmentation du nombre de contrôles entraîne une hausse des infractions (mesurées), etc.
5. Gardez-vous d'arriver.
Plutôt que de s'engager dans une "politique des petits pas" en direction d'un quelconque objectif raisonnable et accessible, il est fort utile de se fixer un but sublime
Ainsi, on se dédouane de l'atteindre vraiment, et on peut se complaire dans notre incapacité d'y accéder, etc.
Ici commence ma partie préférée du livre, celle qui concerne les relations humaines. Autour de la question : comment bien détruire une relation ?
6. Jouer sur le flou de la communication, en confondant niveau de l'objet ("aimes-tu ma soupe ?") et niveau de la relation ("m'aimes-tu ?").
7. Proposer au partenaire une alternative illusoire, et s'attrister de l'option qu'il a écarté plutôt que de se réjouir de celle qu'il a retenue.
8. User toujours des injonctions paradoxales ("sois spontané !", "sois heureux", "aime-moi"...) pour empêcher l'avènement du bonheur et rendre fou le partenaire, par-dessus le marché !
9. "Il ne faut jamais accepter en toute simplicité et gratitude ce que la vie peut nous offrir à travers l'affection d'un partenaire". Se convaincre qu'on ne mérite pas d'être aimé, donc que ceux qui nous aiment sont méprisables, etc.
10. Remettre en cause l'altruisme (il y a forcément un motif caché à la bienveillance apparemment gratuite), ou bien le pervertir pour nourrir une relation de co-dépendance (sauveur-victime).
11. Toujours considérer la vie comme un jeu à somme nulle : ainsi, on s'efforce de gagner au détriment des autres, et on perd de belles occasions de gagnant-gagnant, tout en se précipitant vers des résultats perdant-perdant.
[114 pages, lu en mai 2018, relu fin décembre 2021]