Un poison insidieux (et peut-être délicieux)

Je découvre sur SensCritique que l'édition originale de ce bouquin est parue chez Christian Bourgois, et, a posteriori, ce n'est vraiment pas étonnant tant ce livre est de la même trempe que certaines pépites dénichées par cet éditeur (je pense entre autres à Annabel de Kathleen Winter). Toutefois, je le signale pour ceux qui sont intéressés, le livre est désormais également disponible au format poche dans la collection 10/18. Je suis par ailleurs assez étonné de voir qu'il est si peu lu/coté/critiqué, car il en vaut la peine.


L'histoire s'articule en trois parties. J'ai trouvé la première assez lente dans son schéma narratif, l'auteure effleure le vif du sujet sans vouloir nous y emmener trop vite ; comme des préliminaires trop longs, cela a failli finir par m'ennuyer. Failli, oui, car, finalement, si le style de l'écrivain n'a rien d'exceptionnel, il n'en reste pas moins d'une qualité relativement bonne par rapport à la moyenne (une des marques de Christian Bourgois éditeur par ailleurs). Et donc, il n'y avait pas de raison pour que je m'arrête là. Heureusement, après ces longs préliminaires, vient l'amour tant attendu. De plus, on se permet de juger l'héroïne, et ce, non à son avantage. On imagine se retrouver en face d'une gourde, excusez-moi l'expression, qui ne comprend rien à la scène qui est jouée. Mais c'est sans aucun doute cela que l'auteure cherche à nous faire croire, pour mieux nous entraîner dans son trouble.


Les deux parties suivantes prennent la forme, plus que d'une chute libre, d'une noyade, longue, suffocante, où l'espoir semble jaillir au gré d'une respiration fugace, mais où nous sommes à la limite de boire la tasse avant d'être, en dépit de nos débattements, indéniablement entraînés par le fond. On se demande d'ailleurs plusieurs fois quand on le touchera, ce fond, qui, peut-être, nous permettra de remonter à coup d'une grande enjambée. C'est là je crois qu'il faut saluer tout l'art de Chloe Hooper, toute la subtilité de sa structure narrative, qui fait que, jamais, nous ne pourrons déterminer à quelle profondeur nous sommes et quand tout cela s'arrêtera. Telle la fiancée, nous sommes aveugles dans ce tourbillon d'eau sombre. Et de sombrer avec l'héroïne.


Le résumé annonçait un thriller psychologique subtil, et c'est exactement ce qu'est ce livre, mais plus encore, c'est un tentacule visqueux qui s'introduit imperceptiblement dans votre corps de lecteur, un poison qui s'écoule lentement dans vos veines, un serpent pernicieux qui s'enroule doucement autour de votre cœur et vous étouffe.


Achever la lecture de ce livre est une réelle délivrance. Et avec le recul, pouvoir prendre conscience de son ampleur, et du jeu que nous a fait jouer son auteure. Bravo.

Stevie_Bomber
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs livres de 2015 et Lectures 2015

Créée

le 11 juin 2015

Critique lue 111 fois

Stevie_Bomber

Écrit par

Critique lue 111 fois

D'autres avis sur Fiançailles

Fiançailles
Cinephile-doux
5

Empêtré dans son propre mystère

Dans Fiançailles, tous les éléments de l'intrigue nous sont fournis par la narratrice. Elle est l'une des deux protagonistes d'un jeu à deux, pervers, sensuel et ... pas très clair. La question est...

le 10 janv. 2017

Fiançailles
Stevie_Bomber
7

Un poison insidieux (et peut-être délicieux)

Je découvre sur SensCritique que l'édition originale de ce bouquin est parue chez Christian Bourgois, et, a posteriori, ce n'est vraiment pas étonnant tant ce livre est de la même trempe que...

le 11 juin 2015

Du même critique

Les Jardins du roi
Stevie_Bomber
2

Que de boue dans ces contrées...

J'accorde un point pour Matthias Schoenarts qui offre la seule interprétation crédible de ce film. Un point également pour la scène de la rencontre royale au jardin qui a réussi à m'arracher quelques...

le 25 juil. 2015

9 j'aime

St Germain
Stevie_Bomber
6

« La légende est de retour »

Voilà les mots qu’a utilisés le percussionniste brésilien, Jorge Bezerra, pour présenter Ludovic Navarre, aka St. Germain, ce 11 novembre 2015 à l’Ancienne Belgique à Bruxelles. Et c’est sans aucun...

le 17 nov. 2015

6 j'aime

LUX
Stevie_Bomber
10

Une brillante découverte

Petit historique : en 2009 je découvre le groupe Archive avec le double album, fabuleux, Controlling Crowds, qui, littéralement, me souffle. Dans la foulée, j'écoute (et j'acquiers) You All Look the...

le 7 août 2015

5 j'aime