Un film se construit au montage
"The most instructive book on film aesthetics I came across was Pudovkin's Film Technique, which simply explained that editing was the aspect of film art form which was completely unique, and which separated it from all other art forms. The ability to show a simple action like a man cutting wheat from a number of angles in a brief moment, to be able to see it in a special way not possible except through film -- that this is what it was all about. This is obvious, of course, but it's so important it cannot be too strongly stressed. Pudovkin gives many clear examples of how good film editing enhances a scene, and I would recommend his book to anyone seriously interested in film technique."
Stanley Kubrick, interviewé par Joseph Gelmis
http://www.visual-memory.co.uk/amk/doc/0069.html
Tout au long de ce livre, le propos du cinéaste et théoricien soviétique Pudovkin est qu'un film n'existe pas avant sa phase de montage. Le devoir du réalisateur est avant tout de savoir de quels éléments il aura besoin - lors du montage - pour faire son film. Il ne tient alors qu'à lui, au cours du tournage, d'obtenir méthodiquement chacun de ses bouts. Et laisser tourner la caméra parce qu'on n'est pas sûr de ce que l'on veut n'est que preuve d'incompétence.
Toujours selon Pudovkin, l'arrivée du son, fin 1927, doit également permettre d'apporter quelque chose de plus à l'histoire dans un film et non de simplement sonoriser ce que l'on voit à l'écran comme le font les premiers "talkies". En effet, cela n'est d'aucun intérêt puisque le cinéma muet a prouvé qu'il est déjà possible de raconter une histoire sans parole ou effet sonore autre que de la musique. Le son doit être employé d'une manière relativement symbolique voire abstraite pour jouer au mieux son rôle de transmetteur d'émotions auprès du spectateur. Il ne faut pas s'efforcer de rester proche de la réalité mais de donner l'illusion de la réalité pour l'individu, en se mettre à sa place, et non celle d'un micro ; on ne perçoit en effet pas tout tel qu'il est réellement, on filtre en fonction de ce que l'on veut entendre mais aussi de ce que l'on s'attend à entendre.
Alors oui, tout cela peut sembler évident ou un peu désuet si l'on se penche trop dans le détail, mais il n'empêche que cet essai met à plat les techniques cinématographiques des années 30 et nous rappelle où réside foncièrement toute la force et l'originalité du cinéma : dans le montage.
La seconde partie du bouquin (totalement indépendante de la première puisque tirée d'une série de cours magistraux) se focalise sur le jeu d'acteur et sa direction. Là, l'intérêt est globalement inférieur à la partie précédente ; le livre traine un peu en longueurs et n'apporte que peu d'éléments vraiment originaux. Tout n'est évidemment pas à jeter et certains chapitres sont même au contraire assez frais et enrichissants, notamment ceux sur comment travailler avec des non-acteurs (enfants, animaux mais aussi simplement adultes) et des figurants.