Lecteurs, mes frères, évitez ce livre ! c’est le conseil de quelqu’un qui s’est trompé de lecture !
Ce livre est un livre de femme, écrit par une femme, sur une femme, plébiscité par des femmes (en majorité).
Entendons-nous bien, je n’ai rien contre les femmes ! Bien au contraire. Elles sont tout ce que je ne suis pas et souvent je les envie. Mais dans le cas présent, ça ne fonctionne pas…
Alors pourquoi ai-je voulu lire ce livre ? C’est là où se situe l’erreur, pour moi, et je voudrais attirer l’attention de mes joyeux compères.


Alors, quoi ? C’est toute une histoire… Tout d’abord une photo, sur trois colonnes, dans les pages culturelles d’un journal régional : une jolie jeune femme, au visage juvénile négligemment allongée sur un canapé à la façon de madame Récamier et ce titre qui annonce que pour son premier roman Violaine Huisman vient d’obtenir le Prix du Roman Marie Claire 2018 pour “Fugitive parce que reine”. Elle est bien jolie la jeune primée et son air d’ingénue donne envie d’en savoir plus.
Ce premier roman raconte l'amour inconditionnel liant une mère à ses filles, malgré ses fêlures et sa défaillance.” Ce serait banal, mais on apprend que la mère est assez folledingue…
Dans un entretien avec le journal Marie Claire, lorsqu’on lui demande quelle est la part de fiction dans ce livre, elle répond qu’il s’agit « de la biographie romancée de ma mère. Une vie extravagante, rocambolesque, drôle, éminemment vivante. Une vie qui palpite, un cœur qui bat. A toute vitesse. » Alors là, je me mets à rêver… j’adore les histoires complètement déjantées, fantasques, abracadabrantes et j’imagine une autre version de « En attendant Bojangles » d’Olivier Bourdeaut, dont j’avais beaucoup aimé la première partie, complètement loufoque qui engendrait gaité et bonne humeur. Mais là rien de tel.


Dans la première partie (le livre en compte trois : le regard ingrat et critique de l'adolescente, puis celui intime et compréhensif de l’adulte et enfin le manque et le chagrin après la disparition de l’être tant aimé) les situations invraisemblables ou rocambolesques provoquées par cette maman déséquilibrée provoquent un climat triste et pathétique mais ne prêtent certainement pas à sourire.
Au passage, j’aime bien l’appréciation mi-figue mi-raisin d’Anne Crignon (L’OBS) “sur le milieu grand bourgeois où se déroule le récit, la beauté stupéfiante de la mère ayant fait office de laisser-passer pour s'élever haut, sans argent ni culture, dans la société parisienne. Faire une syncope dans un salon Napoléon III sous l'effet conjugué des psychotropes et d'un vieux whisky tourbé vous donne tout de suite une autre allure que s'écrouler avec sa bouteille de blanc sous les néons d'une cuisine de HLM”…


Puis, dans la partie suivante, l’auteure nous conte l’histoire de Catherine, sa mère : « La femme qui avait existé avant de m’enfanter, je n’y avais pas accès. […] Certes, sa vie elle me l’avait raconté par le menu, mais pour l’incarner il fallait l’imaginer, l’interpréter. Il fallait que j’en devienne la narratrice à mon tour pour lui rendre son humanité. » Et là, j’avoue que l’intérêt s’effiloche. J’ai lu un certain nombre de critiques très positives du style :
Ce récit autobiographique fascinant, bouleversant et sans concession est une véritable ode à l'amour d'une fille pour sa mère, femme libre, indomptable et excessive à en donner le tournis” ou “Quand l'amour entre une mère et ses filles est plus fort que la folie et la maladie... cela donne ce premier roman d'une force et d'une puissance bouleversante”, personnellement, je suis très partagé. Partagé entre intérêt et agacement. Je ne suis pas certain de me sentir très concerné par les dérèglements maniaco-dépressifs de Catherine « (maman) pleurait à tout bout de champ, par intermittence certes, mais quand la saison des larmes arrivait c’était la mousson, Isis faisant déborder le Nil », vu comme ça, c’est dit avec humour, mais la liste est longue et on finit enseveli, usé sous le pathos « on aurait pu aussi bien brosser son portrait sous forme de liste de pathologies : schizophrénie, mythomanie, kleptomanie, alcoolisme, tour à tour neurasthénie et hystérie », fini, l’humour.


Quant au style, là aussi, nombreux sont ceux qui applaudissent “Violaine Huisman écrit comme on nage une brasse puissante” (Anne Crignon, L’OBS) ou encore “La grande maitrise d’un style aussi fluide pour traiter d’un chaos” (Gilles Chenaille, RueDesAuteurs.net). Mais, pour ma part, je regrette des chapitres de 90 et 110 pages. Je regrette qu’au milieu de phrases au vocabulaire riche et choisi se mêlent des expressions d’une trivialité crue, d’une grossièreté choquante. Admettons ce langage ordurier lorsque la fille site les paroles de sa maman chérie « Elle lui balançait par la fenêtre ses roses rouges de merde, son cliché en bouquet il pouvait se le carrer. Et mon cul c’est du poulet ? Bordel… », mais quand elle rapporte des situations pourquoi se mettre dans le ton ? « Il était hors de question que maman travaille avec sa mère : c’était la porte ouverte à des engueulades à tire-larigot […] maman adorait ça, le grand n’importe quoi, elle ne pouvait pas s’empêcher de foutre le bordel partout où elle passait […] c’était pas trop son truc le repassage et le récurage des chiottards »… Est-ce pour faire “grand bourgeois qui s’encanaille” ?


En conclusion, je me suis trompé. Au lieu de me régaler de situations extravagantes et rocambolesques, histoire de rire un bon coup de l’inattendu de la chose, je suis tombé dans un long récit à usage psychanalytique. Une histoire de nanas compliquées dans le genre “Je t’aime. Moi non plus” qui, en toute honnêteté ne devrait pas intéresser grand monde. Avec soulagement, je suis arrivé à la fin, partagé entre curiosité, rejet, agacement et parfois même répulsion, me sentant, par moment, voyeur malgré moi.

Philou33
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le 7 juil. 2018

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Philou33

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