Ce court roman change des récits touffus à épisodes variés qui sont le caractère dominant des grands romans arthuriens. Ici, il y a unité d'action: le jeune homme pur, naïf et plein de bonne volonté qui subit toutes les avanies que veut bien lui infliger la dame de ses pensées, avant d'accéder au bonheur. Le personnage de Gauvain est pour le moins effacé dans ce récit, et il ne sert que de faire-valoir à Gliglois. Au reste, le sort que l'amour que Gauvain prétend porter à Beauté est scellé dès le début, lorsque la reine trouve que Gauvain ne devrait pas s'éprendre d'une fille au-dessous de sa condition, et qu'il est tombé amoureux un peu vite. En effet, Beauté n'est autre qu'une cadette de famille sans terre, et elle vient à la cour du roi Arthur pour servir et non pour briller.
Gliglois, en tant que "nice", c'est-à-dire pur, naïf et inexpérimenté au sortir de l'enfance, n'est pas sans rappeler Perceval. Mais la ressemblance s'arrête là. Gliglois est juste un débutant heureux qui fait ses preuves au bon moment.
Le récit laisse une place inhabituellement développée à des dialogues assez vifs, et se termine sur une belle leçon de morale amoureuse: il faut savoir tout supporter de la Dame élue pour mériter son amour. On retrouve cette idée dans les "Chansons" de Chrétien de Troyes.
On n'en garde pas moins l'impression que ce récit a un côté misogyne, étant donnée la complaisance avec laquelle il décrit les caprices et les coquetteries inqualifiables de Beauté, qui frisent parfois le sadisme. Beauté se fait d'ailleurs reprocher sa conduite à plusieurs reprises par un chevalier. Visiblement, la femme n'est pas soumise au code chevaleresque ni à la courtoisie, qui semble avoir été inventée à son seul bénéfice.
La narration, nerveuse et gracieuse, laisse place à d'intéressants détails sur la vie quotidienne au XIIIe siècle.
