Attaquer la publicité en utilisant les procédés publicitaires. On peut trouver ça naïf, ou malhonnête, ou voué à l’échec… – peu importe : La pub nous prend pour des cons, la pub nous rend cons nous rappelle que tel était le pari de Hara-Kiri. (Du reste, Cavanna rapporte, p. 30-31, l’anecdote concernant la seule publicité authentique jamais publiée par le journal. Elle peut donner une idée du potentiel inexploité de la méthode…) Les quelque dix doubles pages de texte qui structurent plus ou moins les séries d’annonces parodiques constituant l’essentiel de l’ouvrage ne proposent qu’un embryon d’analyse sur la publicité, mais sur le fond, Cavanna a cent fois raison.
Du reste, la mise en perspective qui figure au début du livre, esquissée dès le titre, permet de procéder à quelques rappels : les parodies de l’équipe du professeur Choron pouvaient être bêtes et méchantes, mais la publicité est d’une stupidité sans bornes, et jamais gentille. Ainsi, la plupart des montages photographiques qui figurent dans La pub nous prend… répondent agressivement à une première agression : celle, quotidienne, de la publicité sous toutes ses formes. Que l’ensemble apparaisse parfois daté – l’ouvrage se limite à la période 1960-1985 – ne change rien à l’affaire.
Prenons par exemple le « triptyque Perrier » : « Après la catastrophe… […] Après l’amour… […] Après le viol… Perrier » (p. 48) – les images doivent se trouver sur internet, je serais curieux de savoir avec quels mots-clés. Oui, c’est de l’humour noir, et en tant que tel, violent. Mais la publicité de départ n’est pas plus intelligente ! On peut même dire qu’elle est très conne, comme toute publicité, sachant que très con ne signifie pas mal fait ; la parodie est simplement méchante, comme doit l’être toute parodie qui ne se veut pas inoffensive.
La méchanceté est embarrassante quand elle va du haut vers le bas – comme dans cette véritable publicité Dédoril où un homme, face à l’aisselle de celle qu’on devine être sa secrétaire, déclare « À vue de nez, il est 17 heures… » (p. 10) – ou même du bas vers le bas – les pauvres se moquant des pauvres… Or, Hara-Kiri ne se place jamais en surplomb par rapport à ses nombreuses cibles. « Aucun souci de morale, de justice, de bien-pensant-isme ou de droits-de-l’homme-isme ne nous inspirait. Croyions-nous. Et voilà qu’avec le recul je prends conscience que tout ça était quand même assez boy-scout. » écrit Cavanna dans la préface (p. 7)
Ce n’est pas faux. D’autant que lorsqu’on y réfléchit, Hara-Kiri ne frappe jamais en premier.

Alcofribas
7
Écrit par

Créée

le 7 juil. 2017

Critique lue 180 fois

Alcofribas

Écrit par

Critique lue 180 fois

Du même critique

Propaganda
Alcofribas
7

Dans tous les sens

Pratiquant la sociologie du travail sauvage, je distingue boulots de merde et boulots de connard. J’ai tâché de mener ma jeunesse de façon à éviter les uns et les autres. J’applique l’expression...

le 1 oct. 2017

30 j'aime

8

Le Jeune Acteur, tome 1
Alcofribas
7

« Ce Vincent Lacoste »

Pour ceux qui ne se seraient pas encore dit que les films et les albums de Riad Sattouf déclinent une seule et même œuvre sous différentes formes, ce premier volume du Jeune Acteur fait le lien de...

le 11 nov. 2021

20 j'aime

Un roi sans divertissement
Alcofribas
9

Façon de parler

Ce livre a ruiné l’image que je me faisais de son auteur. Sur la foi des gionophiles – voire gionolâtres – que j’avais précédemment rencontrées, je m’attendais à lire une sorte d’ode à la terre de...

le 4 avr. 2018

20 j'aime