Histoires d’un Raisonneur (1906-1907), de Pessoa est une collection de quatre histoires policières courtes et inachevées.
Les enquêtes policières d’Histoires d’un Raisonneur sont présentées comme des énigmes mathématiques à résoudre. On nous donne uniquement le strict minimum pour comprendre le contexte, on court-circuite tout le travail d’enquête et on entre directement dans ce qui est en général le paroxysme de l’affaire : le grand discours du détective génial —en l’occurrence un certain Sergent Byng, ersatz de Sherlock Holmes— qui nous explique son raisonnement et désigne un coupable. Ou pas, vu que les nouvelles sont inachevées.
Ayant reçu ce livre à Noël, je ne connaissais Pessoa ni d’Ève, ni d’Adam, et je pense ce n’était pas le meilleur livre pour découvrir cet auteur. C’est un peu comme découvrir Tolkien avec les Contes et Légendes Inachevés, en pire. La triste vérité est que je n’ai pris aucune once de plaisir à lire cet ouvrage, j’ai même arrêté la lecture vers les trois quarts.
Pour moi, en effet, cet exercice de style —car c’est bien de cela qu’il s’agit—, échoue à tous les niveau, peu ou prou. Les affaires ne sont donc que des faire-valoir du raisonnement, sans aucun investissement émotionnel, que ce soit vis à vis du détective, du narrateur —qui joue occasionnellement le rôle d’un Watson pour relancer Byng—, des suspects ou des victimes.
Bon, pour autant, je suis le premier à me délecter d’un problème mathématique et à admirer l’élégance d’un raisonnement. Mais ici, Byng se fonde principalement sur la psychologie des suspects, les catégorisant sommairement dans de beaux profils types d’une manière qui ne m’a absolument pas convaincu.
Enfin, quelques mots sur l’écriture elle-même. Elle n’a rien de particulier, mais la lecture est pénible à cause de l’incomplétude des histoires. Il manque des mots, parfois des phrases, il y a beaucoup de répétitions, parfois des contradictions, la structure est brouillonne et les traducteurs (Christine Laferrière et Michelle Giudicelli) ont eu la discutable obligeance de parsemer les pages de références pour nous renvoyer à des traductions alternatives en fin d’ouvrage.
Bref, Histoires d’un Raisonneur n’est ni plus ni moins qu’une collection de brouillons, peu intéressants en l’état. Si vous cherchez un roman policier fin XIXème-début XXème, passez votre chemin, mieux vaut encore se diriger vers les valeurs sûres que sont Poe, Doyle et Christie. Seuls les grands adeptes de Pessoa seront éventuellement intéressés, j’imagine.