Le triomphe de la volonté?

Hitler est une biographie de Ian Kershaw, spécialiste de Hitler et du nazisme qui enseigne à l'université de Sheffield.
Cette biographie de 1200 pages est passionnante même pour ceux qui connaissent bien la vie du dictateur et le nazisme. En effet, l'ouvrage est extraordinairement documenté. Y sont notamment relatés notamment avec beaucoup de minutie les rendez vous entre Hitler et ses homologues européens (avant la guerre) et ses rapports difficiles avec ses généraux (pendant la guerre).

Des idées fausses

J'ai toujours pensé qu'Hitler était une bête de travail et qu'en bon autodidacte, il avait développé ses projets insensés à force de labeur. Il n'en est rien. L'ouvrage nous décrit un individu dilettante qui adore s'écouter parler, qui confond ses jours et ses nuits et se lève à midi. Le concept du triomphe de la volonté vanté ultérieurement par le régime, et par Goebbels ministre de la propagande, ne reposait sur rien si ce n'est l'absence d'opposition organisée et l'état d'esprit revanchard des allemands contre le Traité de Versailles de 1923 qu'ils ont toujours considéré comme une humiliation.
C'est pour cette raison qu'il prit le pouvoir.

Travailller en direction du Fuhrer

Avant même son arrivée au pouvoir en 1933, le parti nazi a tenté d'habiller juridiquement toutes ses exactions afin de préserver les apparences. De même, alors qu'il développait une politique expansionniste meurtrière contre ses voisins, ce même pouvoir s'est toujours présenté comme celui qui, agressé, répondait aux provocations des voisins (Sudètes..) pour légitimer ses actions agressives à l'étranger (en vue d'accroître son espace vital (Lebensraum)).

A partir de 1936, Hitler et les nazis ont posé une chape de plomb sur l'Allemagne. Pour réussir et sortir du lot, les inféodés au régime, soucieux de plaire, vont rivaliser d'idées génocidaires et dépenser sans compter dans un milieu univoque radical où cette émulation est sans cesse encouragée.

Hitler, un Fuhrer hypocondriaque et paranoiaque

Alors qu'il s'était mis tête d'écraser sous la botte nazie l'Europe et le monde, Hitler va très tôt mal supporter la pression du pouvoir multipliant les maux de santé chroniques comme la migraine et les troubles digestifs. D'une froideur implacable, le dictateur ne cotoyait autrui que par intérêt et ceux qui le mirent en difficulté durant son accession au pouvoir furent tôt ou tard éliminés (notamment durant la "nuit des longs couteaux" en 1934).
A la lecture de l'ouvrage, on peut raisonnablement penser qu'Hitler eut "les yeux plus gros que le ventre". En effet, c'est la campagne russe et l'échec de Stalingrad qui inversèrent le cours de la guerre et de l'Histoire. C'est lors de la bataille de Stalingrad que le Fuhrer s'enferrera dans un entêtement coupable, refusant toute pause ou retraite lorsque ses troupes furent mises en difficultés pour la première fois.
Ayant multiplié les structures génocidaires durant l'invasion de l'Europe de l'est (Sections de sécurité, Einsatzgruppen...) afin de profiter du zèle de ses collaborateurs radicaux (Heydrich, Himmler...), le Fuhrer était intimement convaincu que la machine de guerre nazie ne pouvait s'enrayer.
L'obsession maladive d'Hitler d'éradiquer ce qu'il désignait comme le "Judeo bolchevisme mis en oeuvre par la juiverie internationale" l'a complètement aveuglé et a en fait révélé qu'il était, au final, un piètre tacticien militaire aveuglé par la radicalité. Toute auto critique était absente du schéma de pensée d'Hitler et le régime dictatorial verrouillé qu'il avait mis en place excluait toute voix dissonante.

La victoire totale ou l'autodestruction...

A la fin de la guerre, Hitler niait toute responsabilité dans l'échec de son entreprise mégalomane et meurtrière. Convaincu que les généraux avaient toujours travaillé contre ses intérêts (Donc contre ceux du Reich allemand qu'il incarnait) après l'attentat de la Tanière du Loup en juin 1944 organisé par Von Stauffenberg (alors que la Providence l'avait épargné une nouvelle fois...), le dictateur pensait alors qu'il était entouré de traîtres et que le peuple allemand méritait de disparaître avec le Reich.

Le Reich allemand restera dans l'Histoire comme l'incarnation de la machine de guerre et d'extermination la plus impitoyable que l'Humanité ait jamais connue

Hitler est une biographie qui regorge de détails, d'anecdotes et qui balaie certaines idées reçues, c'est un livre très recommandable qui confirme que, tout dans la vie est une question de circonstances...

En tant que personne, et abstraction faite de sa philosophie
politique, Hitler était effectivement un médiocre. Mais son credo
politique et la conviction avec laquelle il savait l'exprimer lui
donnèrent un dynamisme hors du commun.

Ma note: 10/10