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« Hors d’ici », publié en 2020, est un roman signé Florence Delaporte. Je n’avais jamais rien lu de cette auteure qui en est pourtant déjà à son neuvième livre. Pas tous des romans, il est vrai tant elle varie les approches et ses publics cibles.
Grâce à NetGalley et aux éditions Cherche midi, que je remercie vivement pour leur confiance, je découvre une écriture particulière abordant cependant un thème classique. Une jeune fille, pas encore vraiment adulte, souhaite fuir Les Murailles, la villa familiale où son père, triste sire violant, la dénigre, la menace de coups et ne la considère en rien comme une personne et encore moins comme sa fille. La violence est quotidienne, Jeanne ne peut rester sans réaction face à ce père alcoolique, ce serait lui laisser croire qu’il a le droit de se comporter comme cela et de foutre en l’air la vie des autres. Jeanne ne peut s’y résoudre, elle n’a qu’une envie, partir loin, être « hors d’ici » !
C’est qu’elle a des rêves à assouvir, une envie de poursuivre des études littéraires, une envie d’aimer et d’être aimée, une envie de vivre une liberté qui semble accessible à toutes les filles de sa classe et qui, d’une colère à l’autre de son père, lui est interdite par une destruction systématique de sa vie et de ses espoirs.

Au cours d’un été, Jeanne a fait la connaissance de Matt, un américain de 10 ans son aîné qui s’est inséré dans le seul interstice que semblaient lui accorder ses parents : devenir avocat, comme son père. Ce n’est peut-être pas tout à fait ce dont il rêvait mais Matt est ainsi. Il aime mieux se plier à ce qu’on attend de lui que de chercher les heurts et les discussions inutiles. Au début du récit, Matt passe quelques semaines de vacances en France, chez Jeanne pour qui le rêve semble enfin pouvoir devenir réalité. Pourtant, alors qu’elle n’a rien vu venir, Matt la déstabilise, de manière abrupte, voire cruelle. Il déclare ne plus pouvoir faire confiance à Jeanne qui parle d’un père violent et maltraitant alors qu’avec lui, Matt le constate tous les jours, le père brille d’amabilités, de prévenance et se présente nimbé de tant de belles manières qu’il est impossible qu’il soit le rustre que Jeanne lui a présenté. Comment Matt pourrait-il encore faire confiance à Jeanne ?
Elle le sait. Sans la confiance de Matt, sans la révélation de la violence de ce père qui dissimule sa vraie personnalité derrière un vernis de bonnes convenances, Jeanne est perdue. Jamais elle ne pourra vivre ‘hors d’ici’ !

Heureusement – peut-on le formuler de cette manière ? - , au fil du temps, noyé dans le souvenir de ses démons, le père alcoolique finira par laisser transpirer qui il est vraiment. Pour Jeanne, un soulagement. Une bascule inattendue aussi. Elle commence à découvrir et mieux connaître l’histoire de son père, son passé tramé de désillusions, les coups du sort qui ont vrillé les chemins qu’il escomptait. En fait, son père, cette ordure, n’a été que ce qu’il a pu être. Certes, les réponses qu’il a donné à la vie n’étaient pas les plus judicieuses… mais jusqu’où en est-il responsable ? La perte de ses rêves justifie-t-elle le manque d’amour pour sa fille ?
Ces questions ne sont pas neuves en littérature. La manière de les traiter ici, de les décrire est nette, sans fioriture. Elle va droit au cœur et à l’esprit du lecteur qui, plus il en sait, se doit de réfléchir au regard qu’il porte sur le monde de Jeanne et Matt.
Mais jamais l’auteure ne tranchera à sa place. C’est au lecteur à se poser les questions. C’est à lui d’apporter des réponses, de décider ce qu’il en pense. Un livre qui respecte l’autre, le lecteur, et l’appelle à prendre position, en humanité, sur le souhaitable, le réalisable et le pardon à donner, ou pas.

Créée

le 31 janv. 2020

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