En lisant la préface de Marie-Claude Hubert, je savais d'ors-et-déjà à quoi m'attendre : une pièce folle, dont les sens primaires sont décousus pour laisser place à une subjectivité surréaliste, avec de multiples références connotées. & pourtant, je pensais que l'oeuvre aurait été mieux maîtrisée, plus longue & moins redondante.

Car en effet, si le dialogue d'ouverture surprend en remettant en cause les moeurs de l'éducation & de la procréation (enfants = "êtres pour la mort"), lorsque Jacques reconnaît aimer les pommes de terre au lard, on commence à tourner en rond.
C'est là qu'on amène, sans transition particulière, la Roberte, la "promise", celle que Jacques se doit d'aimer, celle que les familles désirent unir. Mais Jacques n'est pas facile à satisfaire ; Jacques renie toute proposition, ne désire pas de mariage, ne veut pas qu'on lui impose quoi que ce soit (même si son argutie reste peu convaincante).
S'ensuivent alors des prosternations, des manières sociétales bien écoeurantes de la part des géniteurs, puis une discussion quelque peu profonde de la première rencontre entre Roberte & Jacques : ce moment du livre m'a passionné, l'échange est tumultueux, plein de fougue, de passion, puis de tristesse, de mélancolie ; le timbre est très maîtrisé, & la profondeur, l'intransigeance du dramaturge se font valoir à cet instant très précis. Chaque dialogue est intrinsèque, très minimaliste, toutefois sa grandeur est dérangeante : Ionesco sait raconter toute la misère de l'existence à travers Jacques, qu'il finit par terrasser. Qui résiste à la société dont quiconque ne peut se détacher ? La meilleure façon d'accepter le néant de sa condition, c'est d'y céder & de le laisser transparaître.

"Jacques ou la Soumission" est donc une pièce typique du Nouveau Théâtre : à travers le thème de l'existence, du néant, de la société formatée, Ionesco dénonce tout simplement l'Homme.
Incluant cette part de loufoque essentielle pour combattre la "tragédie de l'existence", grâce aux masques surréalistes, grâce à ses nouveaux mots, grâce à sa maîtrise de la langue & à ses jeux de mots de rythme & de rimes, le dramaturge prouve son talent dans le milieu & sa connaissance de cause. Je ne partirai pas dans les égarements les plus lointains, les significations les moins éloquentes de la pièce, mais il faut y reconnaître une petite lueur de chef-d'oeuvre.
Néanmoins, le livre s'avère bien trop court, bien trop abstrait si la préface n'a pas été lue, & surtout bien trop redondant en sa première moitié.
Satané
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le 27 mars 2012

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