Un auteur cinématographique
Je ne connaissais aucun écrit de Richard Matheson à ma première lecture de ce livre. J’étais surtout intriguée par le synopsis du roman, dont je trouvais le titre particulièrement bon. Je n’avais pas vu la dernière adaptation cinématographique, et pourtant l’envie ne m’en manquait pas. C’est par peur de la déception -un mauvais film m’aurait découragée de la lecture-, que j’ai d’abord acheté et lu le roman. Maintenant, après quelques mois à digérer ce que j’ai lu, il me faut arriver à deux conclusions. L’une bonne, l’autre moins.
Richard Matheson est un écrivain de l’instant. Ses scènes d’action (cf. extrait ci-dessus) sont extrêmement visuelles, et on comprend immédiatement, à la lecture, qu’elles aient pu inspirer le cinéma. Il ne se passe pas grand-chose dans cette histoire d’environ 200 pages, et pourtant, chaque scène est découpée, toujours de manière cinématographique, de façon à engendrer facilement la suivante, et ainsi de suite jusqu’à la fin, avec ce qu’il faut de flash-backs pour briser l’impeccable linéarité du récit.
Je peux à présent comparer Je suis une légende aux nouvelles de Matheson, que j’ai lues peu après, et qui me permettent de comprendre ce que j’ai d’abord considéré comme une faiblesse dans le roman : la psychologie des personnages.
Matheson, une fois encore, excelle dans les scènes de mouvements, ceux, hystériques, des vampires et ceux, lents et lourds, de Robert Neville errant dans sa maison. Cependant, les quelques moments de réflexions, les observations et les pensées retranscrites du héros, restent d’une banalité touchant parfois à l’absurdité. Il est pénible de passer d’un passage descriptif et découpé, formidablement visuel et donc immersif, à des tentatives d’éclairages sur certaines pensées du personnage, qui mettent en avant le vocabulaire et la syntaxe assez épurés, pour ne pas dire simplistes, du style de Matheson. Et pourtant …
Avec le temps, et après la lecture de ses nouvelles, je ne peux que conclure que le récit court est définitivement le bon vecteur des histoires de Matheson : outre le fait que cet écrivain sait dessiner un environnement, ses nouvelles sont toujours extraordinairement inventives, et son vocabulaire beaucoup plus riche que celui de Je suis une légende. La faute à une mauvaise traduction ?
Quoi qu’il en soit, je suis restée dans une curieuse attente. L’attente qui suit une intense curiosité, puis une légère déception. La forme restait trop simple pour une trame qui m’apparaissait formidablement intéressante et prometteuse. Si je comprends l’intérêt que le livre a pu susciter chez les cinéastes (je ne reviendrai pas sur l’adaptation de 2007, qui, entre autres trahisons, donne au titre lui-même une signification tout à fait différente), je reste clairement sur ma faim.
Il me reste encore tout un tas d’excellents récits courts du même auteur à lire. Récits courts dans lesquels, encore une fois, Matheson reste bien meilleur.