Je vais passer pour un vieux con et autres petites phrases qui en disent long par simonb

Le livre de Philippe Delerm vous aborde avec un titre provoquant. Vieux, c'est facile à juger: une recherche rapide nous apprend l'âge du bonhomme. Con, il faut un peu plus d'éléments pour se décider. Heureusement, nous avons à notre disposition ce livre, qui va sûrement nous aider à nous construire un avis. Las, il faut malgré tout tenter de juger l'écrit sans juger la plume, même si l'invitation est tentante.
Le livre est organisé autour de petites phrases. Pour chacune d'entre elles, l'auteur s'étend sur deux pages. Il y raconte tout ce qui lui passe par la tête. Dans la plupart des livres, ces passages serviraient d'appartés servant à modifier le rythme d'un récit ou faire prendre un peu de recul au lecteur. Ici, ils sont livrés à eux-mêmes et ont bien du mal à provoquer autre chose qu'un sourire timide ou un léger haussement de sourcil. L'impression qui reste à la fin de la lecture est que ce recueil est le fruit d'un assemblage efficace de fonds de tiroirs dont le principal mérite est d'appartenir à une célébrité - garantie d'un certain succès en librairie. Là où un autre auteur aurait vu un fatras d'idées constituant un travail préparatoire, nécessaire à la construction d'un texte plus long et cohérent, Phillippe Delerm a considéré que son travail était terminé.
L'écriture, dans les pires moments, mélange le snob et le vulgaire. L'auteur s'imagine par exemple que les gens qui crient "allez!" pendant les matchs de tennis sont des petits cons friqués. Il est facile de comprendre ce qui amène à écrire ce genre de généralités. Quand on passe une mauvaise journée, que quelque chose ou quelqu'un nous a agacé et que personne n'est disposé à nous entendre nous lamenter, coucher nos malheurs par écrit est encore le meilleur moyen de se détendre. Le choix des mots offre une distraction. La violence sourde de l'écriture permet de se défouler et d'évacuer une aggressivité rarement constructive. On pourra toujours jeter à la poubelle le produit de notre frustration. Qui sait, peut-être trouvera-t-on quelqu'un qui nous connait assez pour apprécier notre coup de gueule du jour et compatir avec nous. Internet offre mille supports pour ce genre de billet suivant le format souhaité et le publique visé.
Quand par contre on décide que notre prose vaut la peine d'être publiée dans un livre, il faut à un moment se demander si ce qu'on va proposer au lecteur est susceptible de l'intéresser. Cela n'a pas eu l'air de beaucoup préoccuper M. Delerm. Non, Il ne passe pas pour un vieux con. Il passe pour un fainéant et un opportuniste, qui profite de sa célebrité pour publier un livre sans aucun effort de construction. Il avait déjà commis La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules. Il recommence aujourd'hui avec les phrases qui en disent long. Nous voilà rassurés: il peut sans doute encore trouver un grand nombre de listes à nous faire partager.