Journaliste au Washington Post, Bob Woodward s'était rendu célèbre pour avoir enquêté avec Carl Bernstein sur le scandale du Watergate en 1972. En 1984, il accepte une proposition étonnante et bien loin de son domaine de prédilection (la politique): rédiger un livre sur la mort du comédien John Belushi, décédé prématurément l'année précédente à l'âge de 33 ans.


A partir de nombreux témoignages de personnalités (célèbres ou pas) ayant côtoyé la star des Blues Brothers, Bob Woodward prend le parti de livrer un compte-rendu détaillé et le plus objectif possible, voir clinique, sur le parcours, la vie mouvementée et les dernières heures de John Belushi. En résulte un livre au style souvent très froid, dénué d'affect, mais tout bonnement passionnant si l'on omet une certaine redondance sur la longueur.


Bien plus qu'un simple livre sur la mort d'un camé, La folle et tragique vie d'un Blues Brother permet à son auteur de poser un regard sans concession sur Hollywood et son fonctionnement, sur l'envers du décor d'un monde qui nous aura tous fait rêver à un moment ou à un autre. Bob Woodward décrit la genèse de succès comme d'échecs, de classiques comme de films oubliés ou qui ne se feront jamais, avec un sens de la documentation et du détail exemplaire.


Mais surtout, à travers le destin tragique d'un homme bourré de talent mais autodestructeur, terrifié à l'idée d'être oublié ou de ne plus faire rire, Bob Woodward brosse un portrait amer d'un monde (le stand-up) et d'une génération gangrénés par les drogues, les addictions et la peur de l'échec. Des gens souvent talentueux qui se brûleront les ailes, se consumeront dans leur course effrénée au succès. L'occasion également de mettre en lumière le combat des proches de la star pour le sortir de sa spirale infernale, notamment celui de sa compagne Judy Belushi, qui aura été la seule et unique femme de sa vie et dont l'amour n'aura malheureusement pas suffit à le garder en vie.


Bien que très froid, La folle et tragique vie d'un Blues Brother est un livre passionnant de bout en bout, un regard sans concession mais sans malveillance non plus sur un milieu rempli de tentations et sur une personnalité forte et charismatique, qui aurait dû rester un peu plus longtemps sur terre pour nous offrir encore de francs éclats de rires.

Gand-Alf
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le 30 sept. 2015

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