Julian
6.8
Julian

livre de Robert Charles Wilson (2011)

"Aux USA on n'a pas de pétrole mais on a Jésus Christ"

Dans une Amérique à jamais privée de pétrole, la vie en campagne est rude, les hivers sont synonymes de mort, la communication entre les états n'est pas chose aisée et le pouvoir religieux n'a jamais été aussi puissant.
Avec l'aide du gouvernement, l'église du Dominion a instauré un climat d’oppression et de contrôle où la liberté culturelle est limitée et où les idées nouvelles ne sont pas tolérées.
C'est dans ce moyen-age américain particulièrement obscurantiste que prend place le périple du jeune Julian Comstock, celui que l'on surnomme « le conquérant ».


Pour Julian, Robert Charles Wilson change complètement de registre et de style.
Lui qui avait habitué son lectorat à une SF moderne à mi-chemin entre la hard-science froide et la SF intimiste axée sur ses personnages nous livre ici le récit initiatique de deux adolescents se déroulant dans une société Américaine post-apocalyptique emprunt de féodalité et de spiritualité.


Contrairement à ce que laisse présager le titre du livre, le héros de l'histoire n'est pas Julian mais son meilleur ami : un bouseux des campagnes un peu naïf du nom de Adam Hazzard.
Ce dernier fait office de personnage principal mais également de narrateur.
C'est à travers le point de vue candide de ce doux rêveur que l'auteur nous présente la destinée hors du commun du jeune Julian mais également la société américaine passéiste aux inspirations très XIXe dans laquelle il évolue.


Le style de l'auteur est agréable, fouillé et prenant mais il manque cruellement de fluidité lors de certains passages à cause du parti-pris de la narration.
Faire de Adam Hazzard le narrateur des mésaventures des deux compères est à la fois une bonne et une mauvaise idée.


Le bon coté, c'est que nos avons le droit à un point de vue humain sur la situation, à des touches d'humour plutôt bienvenues et à une certaine authenticité dans les interactions entre les différents personnages (Ou alors à de la très bonne propagande).
Cette chaleur humaine permet au lecteur de se prendre plus facilement d'affection pour les personnages du récit comme le vieux et sage Sam ou la bouillante et révolutionnaire Calyxa.


L’inconvénient de cette narration c'est que le personnage principal se focalise trop sur des aspects de l'histoire qui ne sont pas toujours des plus passionnants.
Que ce soit lors de la partie sur la guerre ou celle des discussions culturelles, le livre contient des longueurs qui nuisent franchement au rythme du récit.
De plus, à force de trop vouloir en raconter sur les exploits héroïques de Julian, Adam Hazzard se perd dans des digressions peu passionnantes sur le fonctionnement d'un régiment ou le charisme démesuré de son ami.


Le narrateur en soi a également un énorme problème : sa perception du monde qui l'entoure ne change pratiquement pas. Cet homme est d'une telle innocence et d'une telle pureté qu'il frise dangereusement la caricature.
Je n'ai rien contre un personnage gentil et très (trop) aimable mais le fait de ne pas le voir évoluer alors qu'il affronte ,tout au long du roman, l'horreur de la guerre, de la subversion et de la politique me laisse profondément perplexe. Si bien que je n'avais qu'une envie à la fin du bouquin : lui foutre une claque.


En dehors de ça il faut l'avouer : Robert Charles Wilson est inventif et maîtrise à la perfection son sujet !
L'univers dépeint par l'auteur est réellement passionnant et la critique anticléricale sonne très juste.
Via ce livre, Wilson parle d'une société pieuse et obscurantiste et du combat des élites intellectuelles contre les ambitions démesurées de l'autorité religieuse.
Plus largement, Wilson parle de la censure et de l'auto-censure qui règne dans le paysage littéraire et scientifique (Darwin) d'une société autoritaire et théocratique.


Malgré ses longueurs interminables et la présence d'un narrateur vraiment trop superficiel et crédule pour se montrer convaincant, Julian démontre tout le talent de conteur que recèle Robert Charles Wilson et l’étendu de son inventivité débordante. Son style reste agréable à lire, sa critique captivante et son amour pour la liberté d'expression d'une grande sincérité.


Un bon moment de lecture !!

Asarkias
7
Écrit par

Créée

le 6 févr. 2015

Critique lue 288 fois

3 j'aime

Asarkias

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Peu mieux faire.

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