À la fin de la seconde guerre mondiale, de retour à New-York, Anatole Broyard quitte la maison de ses parents à Brooklyn pour emménager dans Greenwich Village, dans l’appartement de Sheri Donatti, une jeune peintre abstraite plutôt énigmatique. Peu de temps après, il ouvre une librairie dans le Village, ce qu’il s’était promis de faire pendant la guerre, tandis qu’il nettoyait les quais de Yokohama en pleine nuit.
«Il devait être environ trois heures du matin et je me sentais à des années-lumière de chez moi, de partout. Histoire de m’occuper, je pensais à des livres en essayant de voir si j’arrivais à citer de mémoire des passages ou des poèmes entiers, comme certaines personnes en sont capables.
Mais en général je ne me souvenais que d’une phrase ou d’un vers, peut-être à cause de la fatigue. Wallace Stevens était mon poète préféré et je murmurais dans ma barbe quelques bribes de ses livres : «Trop de valses ont pris fin.» «Les apostrophes sont interdites dans le funiculaire.» «Le ciel crie un désespoir verbal.» «En ces jours de déshéritement, nous faisons bombance de têtes humaines.» Il était rassurant de penser, au beau milieu de la nuit dans ce lieu étranger, qu’il y avait dans le monde des gens pour se donner la peine d’écrire des choses pareilles. C’était une autre forme de folie, merveilleuse, à l’extrême inverse de la folie de l’armée.»
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