Les frères danois

Le livre commence quand les jumeaux Ib et Kaj Gottlieb partent pour la Finlande qui est en plein conflit civil en 1918, une période historique que l'on découvre, une période très sombre de l'histoire du pays des mille lacs. Ils combattent, avec d'autres volontaires danois, du côté des blancs contre les rouges voulant répandre l'idéologie bolchévique. Une guerre fratricide dans le sens national lorsque que l'on s'aperçoit que des finlandais tuent d'autres finlandais autant que des combattants russes, avec des actes abominables décrits en détail souvent et dont certains personnages commencent à en prendre plaisir quand ils ne plongent pas dans une déprime suicidaire.

Puis vient la période de paix où les jumeaux rentrent au Danemark et si les deux frères présentent des similitudes physiques, leurs tempéraments divergent. S'ensuivent (dans le désordre) mariages, héritage, meurtre, adultère, mensonges, voyages d'étude ou non, déviance sexuelle, divorces, remariages : malgré des bons côtés nos "héros" aux carrières variées sont loin d'être des modèles de pureté morale lors de certaines situations, la palme de la froideur attribuée à Ib et celle parfois de la stupidité pour Kaj, né dix minutes après son hautain aîné qui le lui fait bien ressentir dans le roman. Est-ce la guerre qui a eu un impact psychologique, ou bien avant ça le décès de leur mère dans leur enfance qui a provoqué une brisure ?

Vient la seconde guerre mondiale avec l'occupation du Danemark par l'Allemagne nazie. Cette dernière grande partie du livre met plus la loupe sur Kaj accroc aux amphétamines, qui comme son frère, s'est rangé du côté la résistance avec, ironie de l'Histoire, un paquet de communistes, ces rouges qu'ils combattaient en Finlande. Voué à la cause de la libération de son pays, ce second frère se comporte souvent d'une manière stupide au risque de compromettre le réseau de ses confrères de l'ombre. Combien de fois me suis-je dit ce qu'il pouvait être con celui-là !?

Si Les Prophètes Du Fjord De L'Éternité avait bien captivé le lecteur que je suis malgré la noirceur qui y réside, j'ai dû faire un certain effort pour arriver à terminer L'Abîme (dans lequel ont plongé les jumeaux), un roman plus rude, plus radical, rêche, en étayant la première critique par un ressenti similaire vis à vis des deux personnages.

Un livre où Kim Leine, d'une écriture tout de même efficace, chirurgicale par moment, semble aller plus loin dans les détails au point que certains passages créent des sentiments de gêne peut-être parfois, selon la situation et la sensibilité, à la limite du répugnant. Répugnant comme peut l'être l'homme en temps de guerre.