L'Aliéniste
7.6
L'Aliéniste

livre de Caleb Carr ()

L'Aliéniste est mon polar préféré de tous les temps.

Voilà, c'est dit, vous en faites ce que vous voulez, je ne reviendrai pas là-dessus.

J'en ai pourtant ingurgité pas mal, des romans du mauvais genre - thrillers, romans noirs, procéduraux, espionnage...-, et admiré un certain nombre d'entre nous, pour certains autant voire plus que celui-ci. C'est que le genre, précisément, ne manque ni de grands maîtres ni de chefs d’œuvre.

Mais voilà, L'Aliéniste a été le premier. Non pas le premier polar que j'ai lu (j'étais passé sans retenue dans mon enfance par la case Agatha Christie, Rouletabille et quelques autres grands classiques, plus les frivoles Exbrayat dont mon père faisait la collection), mais celui qui m'a ouvert les portes d'un genre d'une infinie richesse, alors que j'étais libraire débutant et bien loin de soupçonner à quel point on pouvait faire littérature avec des crimes, des psychopathes effrayants et les pires turpitudes dont l'être humain est capable.

Et quand je dis "faire littérature", je parle autant de la manière de conduire un récit, de bâtir un suspense, que la manière de l'écrire. Le fond et la forme, faux jumeaux de cet esprit schizophrène que l'on nomme roman.


Avec L'Aliéniste, le (trop rare) romancier américain Caleb Carr a signé l’un des authentiques chefs d’œuvre du genre, classique instantané et maître-étalon pour beaucoup d’auteurs, de critiques et d’éditeurs – ces derniers n’hésitant pas à le citer régulièrement, et généralement à tort, sur les quatrième de couverture de leurs parutions.

Comme je ne veux pas en faire des tonnes et qu’une bonne lecture vaut mieux qu’un long discours, je vais juste évoquer les points forts du roman :


la puissance et la véracité des personnages, tous exceptionnels, de l’équipe d’enquêteurs aux seconds couteaux en passant par les personnages réels (Roosevelt, le banquier Morgan…)

la reconstitution historique du New York de l’époque, appuyée sur une solide documentation et un art de la restitution littéraire par lequel Caleb Carr n’oublie jamais qu’il est romancier plutôt qu’historien : le résultat est totalement crédible mais jamais didactique, donc jamais ennuyeux. Un tour de force.

la modernité du récit, en dépit de son ancrage dans le temps : Carr ne cherche pas à sonner « vieillot » pour paraître plus vrai. Au contraire, il traite de manière moderne ce qui, pour l’époque, paraissait révolutionnaire (la psychiatrie, la médecine légale, les sciences du comportement), et parvient à nous en faire ressentir la nouveauté – alors même qu’à notre époque, tout ceci nous paraît d’une évidence absolue.

la langue sublime de Caleb Carr : d’un point de vue strictement littéraire, c’est un très grand livre, superbement écrit et mené, construit de manière classique mais impeccable, sans aucune faiblesse de rythme et sans recourir à aucune facilité artificielle de type « cliffhanger à chaque fin de chapitre ».

la force d’un grand thriller psychologique : par la voix du journaliste John Schuyler Moore, Caleb Carr nous immerge dans une une enquête psychologique d’une grande minutie, au cours de laquelle, de recherches sur le terrain en longues discussions de Kreizler et ses acolytes, se dessine petit à petit le portrait de l’assassin. C’est si captivant qu’on a l’impression de faire partie de l’équipe – dont chaque membre est un personnage à part entière, extrêmement attachant – et de collaborer activement à l’enquête. Certains passages, par leur seule intensité, m’ont arraché de véritables frissons.


Bon, je voulais éviter d’en faire des tartines, désolé… mais rien à faire, dès que je parle de L'Aliéniste, je m’enflamme, ça pourrait durer des heures. Et en annonçant que c’était mon polar préféré, je ne pouvais décemment pas faire dans l’ellipse, une telle annonce exigeait justification.

Donc je m’arrête là. Vous savez ce qu’il vous reste à faire si vous ne vous êtes pas encore frotté à ce sommet de la littérature policière – et sachez que je vous envie d’avoir encore la chance de pouvoir le découvrir !


P.S.: précision d'importance et hélas regrettable : à l'heure où je publie cette chronique, L'Aliéniste n'est plus publié par Pocket, son éditeur historique en poche, et ce depuis bientôt un an. N'étant pas le seul à considérer ce roman comme un grand classique du genre, j'ai du mal à comprendre comment un tel manque de respect à l'un des titres phares de son catalogue est possible. En espérant qu'une solution soit vite trouvée, et que ce fabuleux polar retrouve vite sa place sur les étagères des libraires... À bon entendeur !

ElliottSyndrome
10
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le 1 mars 2023

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ElliottSyndrome

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