Dans ce roman le polar noir rencontre la SF pessimiste, plongeant le lecteur sans le ménager dans un obscur drame politique.
Une intrigue labyrinthique où s'emmêlement les personnages et les pinceaux ; car les noms défilent les uns après les autres, noms qu'il devient ardu d'attribuer à des corps car les descriptions leur font défaut.


On sent l'auteur friand et connaisseur du genre policier, mais au lieu d'en saisir les codes et se les approprier, il en reproduit les clichés : le flic alcoolique, le coéquipier antipathique, le psychopathe déconnecté émotionnellement, etc. Autant de personnages inconsistants et oubliables.


La narration, ponctuée de fautes de frappes et d'erreurs syntaxiques non corrigées venant brouiller une stylistique faible, est défectueuse.
Affligées de nombreuses répétitions, les pages s'alourdissent de phrases mal travaillées.
De plus, toute l'histoire est contée au passé, exception faite d'un personnage qui parle à la première personne du présent... Pourquoi ? C'est la question que je pose. J'ignore l'intention de l'écrivain derrière ce choix, venu troubler une lecture déjà fastidieuse.


N'attendez pas non plus de fantaisies dans le style, très neutre et distant, monocorde. Une plume qui gagnerait à être affinée, à se trouver une identité.


On perçoit dans tout l'ouvrage l'empreinte cinéphile du récit, les images s'affichant d'elles même sans trop d'efforts, le livre devenant un écran. Oui, L'Éclipse est de ces bouquins qu'on lit en pensant régulièrement : « Qu'est-ce que ce serait bien de l'adapter en film ! »


Voici venir la réaction positive. Car si l'introduction de cette critique -à l'image de celle de l’œuvre qu'elle cible- est assez dure, le travail de Fortuna renferme de nombreuses qualités.


D'abord, cet aspect cinématographique, visuel, preuve de la qualité descriptive d'un environnement qu'on saisit avec envie ; l'ambiance très sombre venant vite imprégner le lecteur. Londres, devenue huit-clos géant, plateforme d'un univers de SF très appréciable, sert de théâtre au coup d'état, subversion renfermée visant un enjeu bien plus large, celui qui concerne notre espèce en tous temps : comment gérons-nous notre humanité, à quoi cela nous mènera, et quel sens donner à la politique ; pour peu qu'il y en ait un?
Le monde créé par Fortuna est documenté, crédible, prenant, réaliste. On envisage avec malaise ce futur qu'on craint, exagération d'un système déjà répandu ; celui d'un microcosme qui décline et s'obscurcit.


Les technologies, tout à fait envisageables dans la chronologie où elles prennent place, sont froides et inquiétantes à bien des niveaux, en plus d'être inventives (la terrifiante sonde).


Sous le style maladroit, les personnages fades et la pesanteur de certains passages, se cache un fond très intéressant, un suspens accrocheur funambulant sur un fil conducteur d'une agréable cohérence.


Outre que la forme laisse à désirer, elle est à double tranchant : quand il s'agit d'action, ce que je trouve nuisible au reste devient une force, tant les passages mouvementés sont tendus, prenants, distrayants.
L'horreur va loin: certains passages sont d'une violence rare, sale et sanglante, de ces déferlements crus où la sueur et d'autres substances non moins rebutantes arrosent l'adrénaline qui rime avec hémoglobine.


Malgré la difficulté d'immersion de l'introduction encombrée, mettant en place son méli-mélo d’événements et de caractères, le flot de chapitres se libère peu à peu de cet encombrent et l'aspérité initiale s'allège progressivement, laissant mieux respirer le talent, par conséquent le plaisir de lecture va en s'améliorant, jusqu'à une conclusion et un épilogue vraiment bons et originaux.


Une histoire compliquée qui aurait pu facilement se planter, mais qui ne déçoit jamais. De la bonne SF stimulant l'imagination, servie par un polar banal mais au méritant solide ; la plus grande maladresse de L'Éclipse demeure sa tournure, paraissant négligée tant elle est perfectible.


Premiers jets d'encre édités d'un auteur prometteur, ce livre est à mettre entre les mains de tout amateur de SF... Ou de bonne fiction, tout simplement.

Veather
6
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le 1 mai 2015

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Veather

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