Apr§s la Sauvagerie, gros projet consacré au vivant, à son histoire et à son devenir, racontés dans un cycle de 500 dizains, Pierre Vinclair s’attaque à une entreprise encore plus imposante, dont L’éducation géographique ne serait que le premier parmi quatre tomes. Découpé en 25 sections, ce premier volume s’empare d’un matériau plus autobiographique et retrace une histoire des lieux traversés par Vinclair, de quelques lieux lointains de l’enfance aux villes qu’il a habitées à l’âge adulte (Singapour, Londres et quelques autres) en passant par des espaces seulement aperçus quelques jours, en touriste.


Au cœur du projet, qui s’apparente par endroits à une sorte de journal poétique, il y a donc l’ambition de dresser un atlas intime et de conserver vivante la mémoire de certaines « choses vues » (la référence possible à Victor Hugo n’est sans doute pas un hasard quand on se frotte à des projets aussi monumentaux), notamment à destination des deux filles de l’auteur. Comme dans la Sauvagerie, Vinclair déploie tous les possibles formels de la poésie, alterne des formes classiques (sonnets et dizains), des formes à contrainte inventées pour évoquer certains lieux (les poèmes pyramidaux d’une des premières sections désignant les tombeaux des ancêtres), et des formes en vers complètement libre et éclaté sur la page ; multiplie les hommages littéraires aux figures qui ont marqué certains lieux visités (Woolf et Blake à Londres, Joyce à Dublin…).


Le recueil souffre certes d’être moins cohérent et moins équilibré que la Sauvagerie, dont la forme générale était d’une rigueur absolue malgré les nombreux écarts de style que s’y permettait Vinclair ; il semble aussi, paradoxalement, un peu moins ouvert sur le monde, la tentation étant grande pour l’auteur de toujours revenir aux dimensions de son noyau familial, comme pour conjurer l’immensité de la tâche. Reste la grande générosité de la poésie de Vinclair et sa manière toujours très facétieuse de se mesurer à l’histoire littéraire et aux références érudites qu’il égrène au fil des poèmes. 

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le 5 nov. 2022

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