"Une Ontologique de l'Histoire" est le tome 3 de l'Esprit du Nihilisme de Mehdi Belhaj Kacem ; le "Manifeste anti-scolastique" et "Ironie et vérité" étant les deux premiers ( bien plus court, une centaine de pages chacun). Livre totalement passionnant, et magistral par plein d'endroits. Mehdi Belhaj Kacem offre autant de réponses que d'appels à tirer les conséquences de "sa" philosophie.
Tout va très vite (trop vite peut-être ; autant se le dire : sans avoir lu Kant, Hegel, Heidegger, Lacan, Badiou, Schürmann, Agamben, les précédents ouvrages de Belhaj Kacem, et en somme on peut ajouter l'intégralité de l'histoire de la philosophie, on est vite noyé par le flot incessant de références), car on navigue de la naissance de l'Humanité jusqu'à la situation la plus contemporaine, en passant entre autres par le judaïsme, la paganisme, la naissance de la philosophie, le christianisme, l'Islam, la modernité philosophique (Kant), le nazisme, la philosophie française des années 60, l'art contemporain, etc.
Ce n'est pourtant pas une Histoire que l'auteur nous propose ( les références n'ont rien de chronologiques), c'est bien plutôt une déconstruction non linéaire, faite à tâtons, par des va-et-vient continus, à laquelle on a affaire. D'ailleurs l'ouvrage débute sans préface ( le tome 1 et 2 de "L'esprit du nihilisme" faisant office), et nous plonge directement au milieu de la philosophie soustractive de Badiou, à laquelle on comprend au départ peu de choses. Mais chaque nouveau chapitre complète le puzzle encore flou du montage historial de MBK. Les efforts sont donc récompensés sans aucun doute. Le lecteur lambda ( j'entends par là le lecteur lambda formé à la philosophie sans être nécessairement spécialiste de Hegel et Heidegger) prend le train en marche, sans contrôler la situation, et est lâché du train de manière aussi brutale. Mais une chose est sûr il se sent grandi philosophiquement. Ce dialogue permanent entre les auteurs, qui peut sembler n'être qu'un jeu ( il l'est peut-être mais là n'est pas la question), est une cure de jouissance en plus d'être une pratique saine d'entrainement pour un philosophe en herbe.

Déterminer l'impact futur d'un tel ouvrage est une tâche complexe. Tout d'abord il est très récent (2009). Ensuite il est peu lu : 1) MBK est un philosophe non-universitaire autodidacte et à ce titre l'université ne s'y intéresse pas encore. 2) Il est complexe et peu accessible ( complexe non pas tant par les raisonnements que par le vocabulaire et les références utilisés). Par ailleurs il n'est qu'un commencement : En effet au bout des 600 pages, ce fameux "Nihilisme" , on l'a certes analysé mais on ne sait pas ce qu'il est censé advenir de lui. C'est en cela que ce livre est un appel à de nouveaux ouvrages. Et enfin parce qu'après 2009, en 2011 précisement, MBK publie "Après Badiou", pamphlet où il signe la rupture définitive d'avec le Maître. Cet événement ne fait qu'ajouter à la complexité des changement qu'a subi la pensée de MBK ( la période romanesque, la période essayiste exalté de "Esthétique du chaos", la proto-philosophie de "l'Affect", la philosophie pure et dure "l'Esprit du nihilisme", en donc maintenant le post-Badiou). Quel conséquences cette rupture entraîne-t-elle sur la construction de cet ouvrage ?

MBK est certainement l'un des futurs sujets les plus foisonnants pour toute la philosophie universitaire des 30 prochaines années ( une fois l'ombre de son "incélébrité" passée). Bref à mon avis nous entendrons encore parlé de ce livre !
Manuel_Di_Giamm
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le 19 mai 2014

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