Un travail documenté, complet et le plus impartial que je connaisse sur le sujet

Les jeux vidéo sont souvent polémiques. Pour rester dans les thèmes de ce premier volume, la violence et le sexe sont pointés du doigt de façon récurrente dans notre medium favori. À tort ou à raison, les points de vue divergent et les différentes parties se battent becs et ongles pour imposer LEUR point de vue.

Comment y voir plus clair dans ce brouhaha parfois inintelligible d’articles, de revues et d’ouvrages souvent contradictoires ? C’est ce qu’a tenté de faire Benjamin Berget avec sa trilogie de livres consacrés aux jeux vidéo polémiques. Contributeur à Grospixels.com, Retro-Playing Mag, Retro vers le Futur,… il est connu sous le pseudonyme Platon21.

Ce premier volume fait 270 pages, dont 45 d’interview avec la première interview-fleuve de Shane Fenton, (ex-)sentinelle fatiguée de la défense des jeux vidéo et contributeur sur Gamingsince198x (depuis 198X ?). Il est séparé en deux grandes parties, les jeux de course/action (Death Race, Carmageddon et GTA) et les jeux érotiques (occidentaux, japonais, les dating sims et Rapelay). Chaque chapitre a droit à une présentation du jeu, des explications, une présentation de la polémique et son analyse.

Pour moi, le plus impressionnant est la capacité de Benjamin à garder une position neutre et impartiale quand il s’agit d’expliquer les différents points de vue. Il essaie véritablement de comprendre les motivations de chacun. Il a même réussi à me convaincre du bien-fondé d’une (mais une seule) des motivations de Nadine Morano et de Familles de France, c’est dire ! À ce propos, je tiens à saluer les chapitres consacrés à cette association si décriée par les gamers ainsi qu’à Jack Thompson. Ils sont clairs, complets, intéressants et très pédagogiques.

L’autre grande qualité est, pour moi qui ai un profil universitaire, la qualité et l’exhaustivité des références bibliographiques. On sent que l’auteur a fait un travail de titan concernant ses recherches (il a mis plusieurs années à écrire le livre qui est passé par plusieurs stades, plusieurs titres, plusieurs éditeurs), que ce soit dans les articles académiques, les ouvrages, les sites internet, les interviews,… Toutes les pages ou presque sont dotées d’un pied-de-page avec une ou plusieurs références bibliographiques, des notes supplémentaires ou des commentaires. Vous n’êtes pas d’accord ? Vous pensez qu’il se trompe ou qu’il est imprécis ? Pas de problème, vous avez toutes les informations et les sources pour aller vérifier par vous-mêmes. Et avec ce genre de sujet qui déchaîne les passions, c’était certes nécessaire mais il l’a fait et, de ce point de vue au moins, il est irréprochable. Un vrai travail scientifique.

À l’aide de tout ce matériau, il a rédigé en parallèle des descriptions détaillées de toutes ces polémiques mais également une réflexion sur l’influence des jeux sur le comportement de nos petites têtes blondes, sur le fait que ces petites têtes mineures jouent à des jeux qui ne leur sont pas destinés. Il passe ainsi en revue, argumente et illustre tout ce que vous avez pu lire sur le sujet, toutes les controverses et on a enfin droit à des écrits qui vont au fond des choses.

Bien sûr, il y a quelques reproches mais j’ai été obligé de creuser un certain temps avant d’en trouver. Au niveau de la forme, je commencerai tout simplement par la couverture. En effet, l’utilisation du mot « histoire » ne me semble pas forcément approprié puisqu’il s’agit ici carrément d’une analyse complète et d’une réflexion plutôt qu’un « simple » historique. Ce livre n’en est pas un car vous n’y trouverez pas la liste complète de tous les jeux violents et érotiques ! Vous allez dire que je chipote mais l’image de couverture est tirée de Driver 3…alors que ce dernier n’est pas traité dans le livre et peut-être même pas mentionné. Je continuerai plus sur le fond avec l’interview de l’otaku qui, pour moi, n’importe qu’un point de vue un peu isolé d’un cas extrême qui n’est pas représentatif de tous les « gamers ». Enfin, le style pourra paraître austère, comme si on lisait une thèse de sociologie ou de philosophie (domaine dans lequel Benjamin a obtenu un Master). Cependant, je pense que c’est nécessaire pour ce genre d’ouvrage.

En définitive, si vous vous intéressez un tant soit peu au sujet de la violence et du sexe dans le jeu vidéo, c’est probablement le livre le plus complet sur le sujet. Et si avoir des pages dont la majeure partie est consacrée aux notes de bas de page et aux références ne vous gêne pas, ce livre est fait pour vous !

Je terminerai par une citation de Shane Fenton : « Nous ne pouvons pas attendre de nos interlocuteurs qu’ils dépassent leurs préjugés si nous ne faisons pas le même effort pour les nôtres ».
sseb22
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le 30 janv. 2014

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