Comme d’habs chez la Fred Vargas, ça n’est pas l’enquête qui passionne le plus, même si celle-ci est originale (le dénouement fait un peu coup de théâtre à la Molière, mais bon). Elle brille surtout par la peinture du portrait de ses protagonistes : la grosse Suzanne, indomptable et grossière, Solimane, son fils adoptif gorgé par elle de légendes africaines si bien qu'il finit par en tisser des sur mesure, le Veilleux, vieux loup solitaire qui aime bien comprendre ce qu'on lui raconte, même quand ça a un millénaire d'avance sur sa vie intérieure, ou Lawrence, le canadien taciturne et handicapé de la syntaxe. Autant de personnages hauts en couleur qui entourent le couple mythique Jean-Baptiste Adamsberg/Camille, qu’on hallucine de voir se reformer, même en pointillés, à sa façon très particulière en phase avec la personnalité en demi-teintes du commissaire. Bref, on passe de bons moments en leur compagnie et on oublie assez vite les rebondissements invraisemblables de l’histoire tarabiscotée de loup qui bouffe les gens dans le Mercantour. Elle a vraiment un joli style, fluide mais dense, qui sait faire apparaitre à la surface toutes ces petites remarques souterraines qu'on se fait quand on discute avec les gens sans jamais vraiment les exprimer à haute voix.