C'est quoi le bonheur ?

L'Homme qui rit est sans doute le roman le plus difficile de Victor Hugo. Encore plus inclassable que les Misérables, tant les digressions y sont nombreuses et tant les personnages ici ne servent qu'à alimenter un propos politique. Et pourtant, ça marche.
Mais prenez garde, ce n'est pas facile à lire, ce n'est pas toujours plaisant, passionnant (ni même intéressant). Toute la première partie est lugubre, sombre, déprimante. Mais une fois le contexte posé, les personnages bien installés, on commence à comprendre où Hugo veut en venir. On commence à être saisi par son propos. Ursus le philosophé itinérant et Homo, son loup, recueillent une nuit d'hiver Gwynplaine et Déa, deux enfants abandonnés de tous.
Gwynplaine est l'homme qui rit, il a été mutilé dans sa tendre enfance par des comprachicos et il a un sourire figé sur son visage. Il a même inspiré le personnage du joker. C'est lui notre héros. Il a connu la pauvreté, la souffrance, le froid, le faim, la soif, et il a des choses à dire. Ses idées semblent être celles de son auteur qui livre ici une de ses plus virulentes critiques contre l'aristocratie. Il dénonce l'injustice sociale avec des arguments percutants. Le mépris des classes soit disant supérieures envers les pauvres. L'aveuglement des élites, leur bonheur indécent qui souvent n'existe que au détriment des gens qui souffrent.
Mais aussi, au travers d'un puissant paradoxe, Hugo démontre comment on peut être heureux en étant pauvre, et malheureux en étant riche. comment on peut être beau en étant pauvre et laid en étant riche. Au travers d'un pacte méphistophélique, Gwynplaine fera l'expérience de ce qui compte vraiment dans la vie, et nous ferons cette expérience avec lui.

« Ce qu’il apportait, lui Gwynplaine, n’était pas présentable; c’était quoi ? La raison, la sagesse, la justice. On le rejetait avec dégoût. »‬ Victor Hugo

Hugo livre ici son Faust. Monumental.