C’était d’abord un nom japonais que j’entendais souvent, « Haruki Murukami », sans jamais m’y intéresser ; puis un titre aperçu à travers une vitrine : « L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage ». Un titre simple et sans verbe qui m’attira par son parfum mélancolique.
Mais c’est sans doute l’épithète « incolore » qui m’intrigua suffisament pour en faire l’acquisition. Qu’est-ce qui fait qu’un homme puisse être incolore ?
En lisant, je comprends tout de suite que l’intérêt ne sera pas dans le style de l’ouvrage puisque, premièrement, l’écriture cherche avant tout la fluidité (traduction occidentale afin de maximiser les ventes de cet auteur à succès ?), et deuxièmement, les éléments de la narration s’enchaînent sans réelle pause, ce qui fait planer un suspens permanent sur le récit, et donc l’envie d’aller plus loin ; Murakami ne manque toutefois pas d’incérer çà et là des disgressions intéressantes à la simple action.
Ce roman traite avant tout de la solitude, plus précisemment du rapport à autrui. Seulement parfois le personnage manque de consistance, et on accroche difficilement à son associabilité. Finalement le postulat initial — une amitié exceptionnelle qui se fissurera brutalement — reste trop léger pour créer un personnage avec tant de mal être. De fait, au fur et à mesure du livre, son manque de vivacité devient artificiel, voire lassant.
Quoique Tsukuru soit un tantinet insipide, l’expression de la solitude reste bien exprimée par Murakami. La complexité de ses amitiés, les retrouvailles avec ses anciens amis et sa relation avec sa petite amie sont sources de réflexions sur notre besoin de reconnaissance ; car, si Tsukuru aparaît comme insipide pendant son « pèlerinage » qui le mènera jusqu’à la Finlande, c’est à la fin qu'il se révèlera, voire d’une certaine manière « renaître ». Quand il aura su refermer cette blessure d’enfance. Il s’agit donc d’un récit grave sur un homme qui apprend à vivre. Un homme qui se contentait de contempler les trains dans une gare, et qui, un jour, a lui aussi décidé de choisir un train : un train vers la vie.

De plus, ce que j’ai apprécié, c’est l’usage de l’iréel par l’auteur. En effet, si l’ensemble est écrit dans un réalisme classique, il y a néanmoins des touches surnaturelles (propre à l’auteur) qui sont appréciables en ce qu’elles mêlent mystère et philosophie, notamment l’anecdote du père de son ami Haida.

Si ce roman avait une couleur, il serait gris. Ce gris d’un ciel orageux qui pèse sur notre âme, et dans lequel nous cherchons ce rayon de lumière qui le percera…
Antoine_CRSP
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le 15 déc. 2014

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Antoine CRSP

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