Un Jankélévitch différent de celui qu'on connaît par les médias et surtout par ses admirateurs

Ce premier travail de thèse de Vladimir Jankélévitch, s'il est ardu, est inestimable. Culture, pensée, réflexion, style : toute la philosophie du jeune prodige y est.

Livre doublement intéressant : 1° Jankélévitch a choisi ce travail de thèse sur [la dernière philosophie de] Schelling, au lieu de celui en quelque sorte préconçu pour lui par son père sur les Slavophiles (pour faire simple, les penseurs russes du début du XXe). C'est donc un sujet traité de façon très personnelle ; et en cela, les nombreux commentaires du jeune philosophe sont inestimables également ! En ce livre, note-le bien, lecteur de passage, toute la pensée de Jankélévitch est comme prête à éclore, « en germe », comme il le dit si justement. Jankélévitch, avec Schelling, trouve les failles dans les grands systèmes philosophiques ; rien que pour cela, ce texte mérite d'être lu.

2° Il faut savoir que Jankélévitch, avant de se tourner vers la philosophie morale (ce qui viendra avec son second travail de thèse, « L'Alternative »), s'était passionné pour la métaphysique ; laquelle reprendra d'ailleurs le dessus par la suite ... La pensée sur l'existence, la science du vivant en général l'ont aussi passionné. C'est tout ce côté-là qu'on retrouve, plus peut-être que tout autre, dans cette œuvre de jeunesse merveilleuse.

Pour ce qui est de cette mystérieuse Odyssée, il s'agit en réalité surtout d'un voyage à travers l'histoire, depuis la Création originelle jusqu'à — forcément, venant d'un penseur de l'école française ! — la Grèce archaïque. On y apprendra énormément sur des pans méconnus de la mythologie antique, de l'Orient à Éleusis.

On regrettera seulement que le livre, s'il a été réimprimé, n'est guère disponible ... L'édition Alcan d'origine, rare, est évidemment la meilleure, malgré les coquilles qu'on ne peut que remarquer.