Fin de la lecture, aujourd'hui.
Ce roman m'aura fait beaucoup grincer des dents.
J'ai acheté ce bouquin parce que je suis et j'apprécie le travail de Bruce Benamran sur sa chaîne E-penser et parce qu'il était parvenu à me mettre en appétit avec sa vidéo-trailer.
Et là, aïe, aïe, aïe ! Je n'ai pas trouvé ça bon du tout ! Ni sur le fond, ni sur la forme.


Commençons par la forme.
Premièrement, je n'adhère pas à cette organisation en micro-chapitres. Ca me donne l'impression de visionner un soap des années 80, façon "Amour, gloire et beauté".
Début du chapitre : Théodule entre dans un bureau où l’attend Isidore qui l'invite à s'asseoir. Après quelques secondes de silence occupés au toisement réciproque des deux hommes, Théodule s'assoit. "Alors, Théodule, dis-moi ce que je peux-je faire pour toi ?". Et bam ! Coupez ! Fin du chapitre !
Fichtre ! Ce n'est même pas une scène ! Ça pourrait fonctionner, à la rigueur, s'il y avait un chouïa de suspens, mais ça n’est pas le cas. Le plus souvent, on doit attendre deux ou trois chapitres juste pour avoir une fin de conversation.
Ça n’est pas ainsi qu’on donne du rythme à une histoire, juste un effet décousu. Et comme les personnages sont peu caractérisés (pas le temps de les décrire avec des chapitres si courts) je m'y suis perdu : chapitre 120, au fait, c’est qui Nadja ? Et elle est censée ressembler à quoi ? Elle bosse pour qui au fait ? Ah chiasse, c'était expliqué 40 chapitres avant !


Ensuite, aaargh ! Les répétitions ! Ventre-saint-gris, on jurerait que ça n'a pas été relu ! Il existe pourtant de très bons logiciels qui permettent d’éviter cet écueil !
Petit exemple p.746 :


« Tout en terminant son explication, Catherine tapa une instruction qui lui permettait d’afficher toutes les lignes de ce fichier d’archive contenant la date de la veille. Une trentaine de lignes apparurent, parmi lesquelles, à quelques lignes seulement de la fin, la ligne suivante : »


Ca pique ! Une simple relecture à haute voix aurait permis d'éviter ce genre d'abomination. Et il y en a beaucoup, presque à chaque page. On ressent l'amateurisme... Pas seulement pour Bruce, mais aussi pour son éditeur et son correcteur qui auraient dû les repérer.


Mais le vrai point faible, pour moi, de ce roman, c’est le remplissage. La moitié des phrases ne servent à rien (par ex, dans l’extrait cité au-dessus, quel est l’intérêt de préciser « à quelques lignes seulement de la fin » à part ajouter une répétition ?). Au-delà des répétitions brutes de mots, Bruce radote, radote, radote.
Les quelques paragraphes descriptifs s'accompagnent trop souvent d'une ligne de dialogue qui ne fait que raconter la même chose.
Au début du roman, on trouve une description (trop) précise de ce que fait le protagoniste avant d'aller au taf. On se perd dans les détails inutiles ! Et attendez de lire la scène de préparation du café au percolateur ! C'est peut-être un effet de style, si c'est le cas, ça n’a pas fonctionné sur moi.
Très souvent, en lisant une phrase, je me suis trouvé à lui crier à la face : "Mais on s'en fout de ça !! Roman, raconte-moi quelque chose d'intéressant, scrogneugneu !".
Page prise au hasard (si si, vraiment, promis !), la 357 :


« Michael fit ouvrir la cafétéria de l’immeuble pour accueillir l’inspectrice Lambert. Il lui expliqua que l’activité de la société GenTech dépendait en grande partie d’inventions brevetées dont les secrets de fabrication étaient la priorité absolue ; il espérait qu’elle ne se vexerait pas d’avoir cet entretien dans la cafétéria plutôt que dans son bureau, mais, garantit-il, le café était de toute façon bien meilleur ici. Lambert dit qu’elle comprenait parfaitement, et demanda du thé. Lorsqu’ils furent tous deux servis, Michael demanda à la serveuse de les laisser seuls. Une fois celle-ci partie, il demanda : « Que puis-je faire pour vous ? »


Déjà, les 2 cafétérias sont un peu proches. Lisez l'extrait à haute voix, vous verrez. Ensuite, dites-moi quel est l’intérêt de ces quelques phrases ? Où se trouvent les informations pertinentes ? L’histoire avance-t-elle ? Qu’apprenons-nous sur les personnages ? Qui est cette serveuse qui disparait alors qu'elle vient d’être citée ? Aurions-nous pu nous épargner son existence/sa mention ? Le rapport information/nombre de mots est, bien souvent, faible. On dirait une prévision astrologique. L’écriture manque d’efficacité.
Vous allez me dire : « m'enfin, c’est pour mettre du contexte »… Je veux bien, mais à condition que le contexte en question ne tombe pas dans l’oubli dès la page tournée.


Même constat pour les dialogues... Pfff... J'ai l'impression que tous les personnages parlent de la même façon, avec le même vocabulaire. Beaucoup de dialogues ne servent à rien, ne font pas avancer l'histoire et ne sonnent pas justes. Pour cause, les protagonistes se répondent de façon trop mécanique, c’est le syndrome des Talking Heads (en passant, mais ça n’a rien à voir, c’est aussi un groupe de rock très sympa, écoutez « Air »). Il manque le petit décalage qui va bien entre les questions et les réponses. Dans un dialogue, bannissez les répliques évidentes !


La forme hélas écorche, je trouve, le fond. Comme je l’écris plus haut, les personnages manquent de caractérisation. Ils sont peu attachants. Je me sens bien incapable de dire quels acteurs pourraient jouer les rôles de Sylvain, de Michael ou de Lambert. Ils n'ont pas de visage.
Sous ses oripeaux de concepts techno-scientifiques, l’intrigue est somme toute assez banale : un gus lambda qui, en fait, n'est pas si lambda que ça (coucou Néo, coucou Harry. Les péripéties s'enchainent de façon prévisible. On voit assez rapidement vers quelle conclusion l’auteur nous dirige (bon allez, la révélation ultra-finale, non, je ne l’avais pas vue venir… Mais ce n’est pas pour cela que je la trouve bien.)
Je ne comprends pas les motivations de départ de Catherine (d'ailleurs, question en passant, qu'est-ce que donnerait à l'oral l'explication de son pseudo p.164 ?).
L’histoire d’amour m’a laissé indifférent, je trouve qu’elle tombe comme un cheveu sur la soupe et qu’au final, elle ne sert pas à grand chose.
L’explication de la situation de départ - l’accident et l’annonce à la radio de la mort de Sylvain – m’a donné la sensation d’un pétard mouillé et me rappelle la remarque d’un youtuber que j’admire beaucoup (petit jeu : saurez-vous retrouver lequel ?) : « C’est le plan de méchant le plus compliqué de l’histoire des plans de méchants ! ».
Sans blague, pour réaliser l’objectif derrière tout ça, messieurs les intrigants, y avait vachement plus simple et moins coûteux à faire, non ?


Bref, je ne trouve pas ce roman au niveau de ce qu’on pourrait attendre d’un premier roman. C'est un bon premier jet, à la rigueur. Et normalement, l’éditeur intervient là pour redresser la barre… Visiblement, ce boulot n'a pas été fait.
Tout art nécessite de la pratique. Pour devenir dessinateur, il faut avoir, auparavant, dessiné beaucoup, beaucoup…
Pour devenir écrivain, il faut avoir aligné, auparavant, quelques dizaines de kilomètres de caractères. Ce qui n’est, je pense, pas le cas de monsieur E-penser. En tout cas, pour l'instant.

Johann_Laze
3
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Créée

le 25 oct. 2020

Critique lue 3.9K fois

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Johann_Laze

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